Quand il examine une demande de permis de construire, le maire doit faire prévaloir la directive territoriale paysagère sur le POS (ou le PLU)
Prévue par l’article L. 350-1 du code de l’environnement, la directive comporte une orientation n° 2 aux termes de laquelle : "(...) Afin de préserver les paysages naturels remarquables, listés et cartographiés, les PLU ou les documents d'urbanisme en tenant lieu y interdiront les constructions nouvelles non directement liées à l'exploitation agricole. Les constructions préexistantes (en particulier le petit patrimoine rural bâti) devront être maintenues dans leur intégrité et leur volumétrie actuelle".
Le terrain d'assiette du projet est classé, aux termes du plan d'occupation des sols (POS) du 21 février 1983 révisé le 23 avril 1987, en zone ND correspondant aux "parties du territoire communal dont le maintien à l'état naturel doit être assuré en raison de la qualité du paysage". Selon l'article ND2 du règlement de cette zone, en vigueur à la date de la décision attaquée, "sont autorisés sous conditions : (…) - l'extension mesurée des habitations existantes sans changement de destination". Les constructions existantes doivent être maintenues dans leur intégrité selon la directive, l’extension limitée est possible selon le POS. Quel texte appliquer ? La réponse est donnée par l’article L. 350-1 précité : les documents d’urbanisme (SCOT, PLU, POS, carte communale) doivent être compatibles avec les directives de protection et de mise en valeur des paysages.
"(…) Leurs dispositions sont opposables aux demandes (...) d'occupation et d'utilisation du sol :
1° En l'absence de plan local d'urbanisme opposable aux tiers ou de tout document d'urbanisme en tenant lieu ;
2° Lorsqu'un plan local d'urbanisme ou tout document d'urbanisme en tenant lieu n'a pas été mis en compatibilité avec leurs dispositions."
Dans cette affaire, le POS de Mouriés n’a pas été mis en compatibilité avec la directive paysagère puisqu’il permet ce qu’elle interdit. Le maire devait donc examiner la demande de permis par rapport à la directive. Il a eu raison de refuser le permis.
(CAA Marseille 22 avril 2021, n° 20MA00838).
Marc GIRAUD le 24 juin 2021 - n°414 de Urbanisme Pratique

Procédure contentieuse antérieure :
La société civile immobilière 1988 (SCI 1988) a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 2 novembre 2016 par lequel le maire de la commune de Mouriès lui a refusé la délivrance d'un permis de construire pour la réhabilitation et l'extension d'un bâtiment sur des parcelles cadastrées section BK n° 0008, n° 0009, n° 0010 à 0013.
Par un jugement n° 1703268 du 20 décembre 2019, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 19 février 2020 et le 24 février 2021, la SCI 1988, représentée par la SELARL ADDEN Méditerranée, agissant par Me F..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 20 décembre 2019 du tribunal administratif de Marseille ;
2°) d'annuler l'arrêté du 2 novembre 2016 du maire de la commune de Mouriès ;
3°) d'enjoindre au maire de commune de Mouriès de lui délivrer un permis de construire dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Mouriès une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un mémoire enregistré le 10 avril 2020, la commune de Mouriès, représentée par la SCP CGCB et associés, agissant par Me C... et Me D..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la requérante de la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Considérant ce qui suit :
La société civile immobilière 1988 (SCI 1988) a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 2 novembre 2016 par lequel le maire de la commune de Mouriès lui a refusé la délivrance d'un permis de construire pour la réhabilitation et l'extension d'un bâtiment à usage d'habitation, sur des parcelles cadastrées section BK n° 0008, n° 0009, nos 0010 à 0013, au lieu-dit " La Cagalou ", sur le territoire de la commune. Elle relève appel du jugement du 20 décembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Le maire de la commune de Mouriès a motivé le refus de permis de construire par le fait que le projet est situé dans un espace paysager à protéger au titre de la directive paysagère des Alpilles (DPA) et qu'il contrevient aux orientations de cette directive selon lesquelles " les constructions existantes non directement liées à l'exploitation agricole devront être maintenues dans leur intégrité et leur volumétrie ".
L'article L. 350-1 du code de l'environnement dispose que : " I.- Sur des territoires remarquables par leur intérêt paysager, définis en concertation avec les collectivités territoriales concernées et lorsque lesdits territoires ne sont pas l'objet de directives territoriales d'aménagement prises en application de l'article L. 172-1 du code de l'urbanisme, l'Etat peut prendre des directives de protection et de mise en valeur des paysages. II.- Ces dernières directives déterminent les orientations et les principes fondamentaux de protection des structures paysagères qui sont applicables à ces territoires. (...) Elles sont approuvées par décret en Conseil d'Etat après mise à disposition du public. III.- Les schémas de cohérence territoriale, les schémas de secteur et les plans locaux d'urbanisme ou tout document d'urbanisme en tenant lieu doivent être compatibles avec les directives de protection et de mise en valeur des paysages, dans les conditions fixées aux articles L. 131-1 et L. 131-7 du code de l'urbanisme. IV.- Leurs dispositions sont opposables aux demandes (...) d'occupation et d'utilisation du sol : 1° En l'absence de plan local d'urbanisme opposable aux tiers ou de tout document d'urbanisme en tenant lieu ; 2° Lorsqu'un plan local d'urbanisme ou tout document d'urbanisme en tenant lieu n'a pas été mis en compatibilité avec leurs dispositions dans les conditions fixées à l'article L. 131-7 du code de l'urbanisme... ".
Il est constant que l'ensemble du territoire de la commune de Mouriès est situé dans le périmètre de la directive paysagère des Alpilles approuvée par décret du 4 janvier 2007. Le préambule de cette directive dispose que : " Les orientations et principes fondamentaux de protection et de mise en valeur de la "directive paysagère" des Alpilles doivent être respectées, dans un rapport de compatibilité, par les documents d'urbanisme. Pour la traduction réglementaire de ces orientations et principes fondamentaux, il convient de se référer à la carte ci-annexée au 1/50 000ème qui identifie le territoire et localise les structures paysagères auxquelles s'appliquent les orientations de protection et de mise en valeur définies ci-après. L'échelle cartographique ne permettant pas de définir une application à la parcelle, il appartiendra aux communes de délimiter précisément dans leurs documents d'urbanisme ou en annexe à ceux-ci les structures paysagères concernées ainsi que leurs éléments caractéristiques et positionner les axes de vue figurés dans les documents graphiques ". Cette directive comporte une orientation n° 2 aux termes de laquelle : " (...) Afin de préserver les paysages naturels remarquables, listés et cartographiés, les PLU ou les documents d'urbanisme en tenant lieu y interdiront les constructions nouvelles non directement liées à l'exploitation agricole. Les constructions préexistantes (en particulier le petit patrimoine rural bâti) devront être maintenues dans leur intégrité et leur volumétrie actuelle ".
Le terrain d'assiette du projet est classé, aux termes du plan d'occupation des sols (POS) de la commune de Mouriès du 21 février 1983 révisé le 23 avril 1987, en zone ND correspondant aux " parties du territoire communal dont le maintien à l'état naturel doit être assuré en raison de la qualité du paysage ". Aux termes de l'article ND2 du règlement de cette zone, en vigueur à la date de la décision attaquée : " Sont autorisés sous conditions : - l'extension mesurée des habitations existantes sans changement de destination ". Il est constant que ce plan d'occupation des sols n'a pas ainsi été mis en compatibilité avec les dispositions de la directive paysagère des Alpilles, qui imposent de maintenir les constructions existantes dans leur volumétrie. Par suite, en application du IV de l'article L. 350-1 du code de l'environnement, les dispositions de la directive paysagère des Alpilles sont opposables aux demandes de permis de construire, sous réserve qu'elles soient suffisamment précises, compte tenu notamment de l'échelle de son document graphique.
Il ressort de la cartographie annexée à la directive paysagère des Alpilles, ainsi que l'a notamment reconnu le rapport du géomètre-expert établi à la demande de la société requérante, que les parcelles d'assiette du projet en litige sont intégrées, pour très petite que soit son échelle, au sein, bien qu'en bordure, du secteur hachuré identifiant les paysages naturels remarquables (PNR), correspondant, en l'espèce, au site des Caisses de Jean Jean. Si ce même rapport souligne que ces parcelles se situent au pied de la colline, en dehors du cône de vue dénommé le Belvédère de Mouriès et sur une " ligne de rupture paysagère " entre les paysages naturels de la colline au nord et les plantations d'oliveraie au sud, ces circonstances ne sont pas de nature à remettre en cause l'appartenance des parcelles de la requérante aux paysages naturels remarquables identifiés par la directive paysagère des Alpilles, ainsi qu'en témoignent, du reste, les documents de transcription effectués par les services de l'Etat qui, pour être dépourvus de toute portée contraignante, notamment en application des articles L. 132-2 et R. 132-1 du code de l'urbanisme, peuvent néanmoins être pris en considération pour apprécier la qualité des paysages. En conséquence, dès lors que le projet de la requérante, consistant en une extension de la construction existante, ne maintient pas celle-ci dans sa volumétrie, le maire de commune de Mouriès n'a pas commis une erreur de droit en lui opposant les orientations précises, sur ce point, de la directive paysagère des Alpilles et en lui refusant, pour ce motif, le permis de construire sollicité.
Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la demande de substitution de motifs présentée par la commune de Mouriès, que la SCI 1988 n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Par suite ses conclusions accessoires aux fins d'injonction doivent être également rejetées.
Décide :
Article 1er : La requête de la SCI 1988 est rejetée.
Article 2 : La SCI 1988 versera la somme de 2 000 euros à la commune de Mouriès en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI 1988 et à la commune de Mouriès.
Référence : Cour Administrative d’Appel de Marseille n° 20MA00838 du 22 avril 2021.
Urbanisme pratique n° 414 du 24 juin 2021.
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