La responsabilité de la commune n’est pas engagée si le maire ne connaissait pas les risques d’inondation lorsqu’il a délivré le permis
Ce retrait a conduit le particulier à renoncer à acquérir le terrain le 2 novembre 2011. Le propriétaire introduit une action en responsabilité contre la commune lui demandant réparation du préjudice que lui ont causé les décisions aboutissant à ce qu’un terrain acheté comme terrain à bâtir est devenu inconstructible. Pour statuer sur cette demande, la cour administrative doit se demander si le maire a commis une faute en délivrant les permis en 2009. Il apparaît que la commune a connu des inondations exceptionnelles en 2007. A cette occasion, la parcelle a été inondée en totalité. Cela a donc conduit, en 2008, à lancer une révision du PPRN existant. Le tribunal administratif avait estimé que la commune était suffisamment informée de la situation du terrain lorsque le maire a délivré les permis en 2009. Mais, la cour administrative ne reprend pas cette analyse : il apparaît que la parcelle de 1 700 m² environ n'était classée que pour une surface de 240 m² située en contrebas du terrain, en zone N inconstructible, le reste de la parcelle étant situé en zone UC du PLU approuvé le 8 août 2005. Donc, à la date de la délivrance du permis, seul un risque partiel d'inondation de la parcelle avait été identifié et pris en compte par le plan de prévention existant. Par ailleurs, les résultats des études ayant conduit à classer la parcelle en zone d'aléa moyen ou fort du futur plan de prévention - ce qui la rendait inconstructible - n'ont été portés à la connaissance du maire que le 16 septembre 2010, à l'occasion de la présentation de la carte des aléas d'inondation élaborée par les services de l'Etat, soit après l'octroi du permis de construire litigieux. Le maire n’a donc pas commis de faute engageant la responsabilité de la commune.
Le propriétaire ne peut pas obtenir une indemnité sur le fondement de la responsabilité sans faute
Subsidiairement, le propriétaire s’appuie sur l’article L. 160-5 du code de l'urbanisme, pour obtenir réparation : n'ouvrent droit à aucune indemnité les servitudes instituées par application du code de l’urbanisme. Toutefois, une indemnité est due s'il résulte de ces servitudes une atteinte à des droits acquis ou une modification à l'état antérieur des lieux déterminant un dommage direct, matériel et certain. La cour rejette cette action car, dans cette affaire, l’inconstructibilité du terrain ne résulte pas de l’institution d’une servitude : la déclaration d'inconstructibilité du terrain et le retrait subséquent du certificat d'urbanisme résultent d'une nouvelle appréciation des risques d'inondation et non de l'institution d'une servitude d'urbanisme entrant dans le champ d'application des dispositions de l'article L. 160-5 précité (CAA Bordeaux 23/06/2016, n°16BX00465).
Michel Degoffe le 02 février 2017 - n°316 de Urbanisme Pratique

Procédure contentieuse antérieure :
La société civile de construction-vente (SCCV) Islo a demandé au tribunal administratif de Pau de condamner la commune de Saint-Pée-sur-Nivelle à lui verser la somme de 238 000 euros au titre de la perte de la valeur vénale de sa parcelle cadastrée section E n° 1422, avec les intérêts calculés au taux légal à compter du 30 septembre 2011, ainsi que la somme de 2 000 euros au titre du préjudice moral.
Par un jugement n° 1400894 du 1er décembre 2015, le tribunal administratif de Pau a condamné la commune de Saint-Pée-sur-Nivelle à verser à la société Islo la somme de 127 846 euros de dommages et intérêts, assortie des intérêts calculés au taux légal à compter du 30 décembre 2013.
Procédures devant la cour :
I/ Par une requête et des mémoires enregistrés les 1er février, 28 avril et 21 mai 2016 sous le n°16BX00465, la commune de Saint-Pée-sur-Nivelle, représentée par son maire en exercice par la SCP Personnaz-Huerta-Binet-Jambon,
demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Pau du 1er décembre 2015 ;
2°) de rejeter la demande de la société Islo ;
3°) de mettre à la charge de la société Islo la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
II/ Par une requête enregistrée le 1er février 2016 sous le n°16BX00466, la commune de Saint-Pée-sur-Nivelle, représentée par son maire en exercice et par la SCP Personnaz-Huerta-Binet-Jambon, demande à la cour d'ordonner le sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de Pau en date du 1er décembre 2015.
Considérant ce qui suit :
Le 24 avril 2009, le maire de Saint-Pée-sur-Nivelle a délivré à M. A...un permis de construire cinq maisons jumelées à usage d'habitation réparties en deux volumes bâtis sur un terrain cadastré section E n° 1422, situé en zone UC du plan local d'urbanisme de la commune au lieudit Uronia (quartier Helbarron). La société civile de construction-vente (SCCV) Islo, dont M. A... est le gérant, a acquis ce terrain auprès des époux B...par acte notarié du 28 octobre 2009 stipulant qu'il s'agissait d'un terrain à bâtir, qu'un permis de construire avait été obtenu, et que le terrain était situé dans le périmètre d'un plan de prévention des risques naturels d'inondation. Le 12 juillet 2011, la société a signé avec les consorts C...-D... un compromis de vente portant sur ce même terrain pour lequel le maire a par ailleurs délivré, le 22 août 2011, un certificat d'urbanisme indiquant que la création de deux maisons d'habitation y était réalisable. Informé le 25 août 2011 par le chef de service de la direction départementale des territoires des Pyrénées-Atlantiques de ce que le terrain en cause allait être classé en zone d'aléa moyen ou fort par le plan de prévention du risque inondation (PPRI) en cours de révision, le maire a décidé, par un arrêté du 19 septembre 2011 et après avoir invité le bénéficiaire à présenter ses observations, de retirer le certificat d'urbanisme "positif " en faisant application de l'article R. 111-2 du code de l' urbanisme. Ce retrait a conduit les consorts C...à renoncer à acquérir le terrain le 2 novembre 2011. Le maire ayant refusé, par lettre en date du 24 février 2014, de faire droit à la demande d'indemnisation présentée le 23 décembre 2013 par la société Islo, à hauteur de la somme de 238 300 euros au titre de la perte de valeur vénale de son terrain et de 2 000 euros au titre de son préjudice moral, cette dernière a saisi le tribunal administratif de Pau. Par une requête enregistrée le 1er février 2016 sous le n° 16BX00465, la commune de Saint-Pée-sur-Nivelle interjette appel du jugement du 1er décembre 2015 par lequel le tribunal l'a condamnée à verser à la société Islo la somme de 127 846 euros de dommages et intérêts, assortie des intérêts calculés au taux légal à compter du 30 décembre 2013. Par une requête distincte enregistrée le même jour sous le n° 16BX00466, la commune demande qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement.
Les requêtes susmentionnées présentées par la commune de Saint-Pée-sur-Nivelle sont dirigées contre un même jugement rendu le 1er décembre 2015 par le tribunal administratif de Pau et présentent à juger des questions communes. Il convient de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
Sur la fin de non-recevoir opposée par la société Islo tirée de l'irrecevabilité de la requête d'appel de la commune de Saint-Pée-sur-Nivelle :
Aux termes de l'article L. 2132-1 du code général des collectivités territoriales : " Sous réserve des dispositions du 16° de l'article L. 2122-22, le conseil municipal délibère sur les actions à intenter au nom de la commune. ". Aux termes de l'article L. 2132-2 du même code : " Le maire, en vertu de la délibération du conseil municipal, représente la commune en justice. ". Aux termes de l'article L. 2122-22 dudit code : " Le maire peut, en outre, par délégation du conseil municipal, être chargé, en tout ou partie, et pour la durée de son mandat : (...) / 16° D'intenter au nom de la commune les actions en justice ou de défendre la commune dans les actions intentées contre elle, dans les cas définis par le conseil municipal (...) ". La compétence d'exécution ainsi conférée au maire comporte, alors même que la délibération du conseil municipal décidant d'intenter une action en justice ne le prévoirait pas expressément, le pouvoir de charger un avocat ou un autre mandataire légalement habilité à cette fin d'accomplir, au nom de la commune, les actes de la procédure. Aucune disposition n'oblige le maire à formaliser par un arrêté le choix d'un avocat, et moins encore à soumettre cette décision à une quelconque publicité de nature à en assurer le caractère exécutoire.
Il résulte des termes mêmes de la délibération en date du 15 avril 2014, produite par la commune à l'appui de ses requêtes, que le conseil municipal a donné délégation au maire pour toute la durée du mandat afin " d'intenter au nom de la commune les actions en justice ou de défendre la commune dans les actions intentées contre elle, devant les juridictions civiles et administratives tant en première instance qu'en appel et qu'en cassation, et devant toutes les instances de médiation ou de conciliation, en choisissant directement un avocat ou en retenant celui proposé par les compagnies d'assurances ". Par suite, la société Islo n'est pas fondée à soutenir qu'en l'absence de production de " la décision du maire désignant l'avocat " qui a introduit la présente instance, la requête serait irrecevable.
Sur les conclusions à fin d'annulation du jugement attaqué :
En ce qui concerne la responsabilité pour faute de la commune de Saint-Pée-sur-Nivelle :
Il résulte de l'instruction qu'à la suite de très fortes précipitations survenues les 3 et 4 mai 2007, la Nivelle a connu une crue d'une ampleur exceptionnelle au cours de laquelle les ponts de la commune de Saint-Pée-sur-Nivelle ont été submergés, et le bourg et plusieurs quartiers ont été très largement et très brutalement inondés, justifiant que l'état de catastrophe naturelle y soit reconnu par arrêté ministériel du 12 juin 2007. Il est constant qu'à l'occasion de cet épisode pluvieux, la parcelle litigieuse E n° 1422 a été inondée en quasi-totalité. Cet évènement ayant, par ailleurs, mis en évidence la nécessité de réviser le plan de prévention des risques naturels existant, lequel avait été établi à la suite de la précédente crue historique de la Nivelle du 26 août 1983, la procédure de révision a effectivement été prescrite par un arrêté du préfet des Pyrénées-Atlantiques en date du 20 mars 2008. Si les premiers juges se sont fondés sur ces considérations pour estimer qu'à la date du 24 avril 2009 à laquelle un permis de construire cinq maisons d'habitation a été accordé à M.A..., la commune de Saint-Pée-sur-Nivelle était suffisamment informée de ce que le terrain d'assiette du projet était intégralement soumis à un risque d'inondation, il résulte toutefois de l'instruction et, notamment, du certificat d'urbanisme délivré à la SARL Lassie A...le 20 novembre 2008, que cette parcelle, d'une superficie totale s'élevant à 1700 m2 environ, n'était classée que pour une surface de 240 m2 située en contrebas du terrain, en zone Nki inconstructible, le reste de la parcelle étant situé en zone UC du plan local d'urbanisme de la commune approuvé le 8 août 2005. Ainsi, et alors que les études hydrologiques et hydrauliques concernant la Nivelle et ses affluents, confiées par la direction départementale des territoires et de la mer à l'agence Sogreah de Pau, dans le cadre de la révision du plan de prévention du risque inondation, indiquent que " les pluies des 3 et 4 mai 2007 sont des pluies exceptionnelles du même ordre de grandeur que celle de 1983 " et relèvent qu'il s'agissait dans les deux cas, de crues exceptionnelles comme la Nivelle en connaît en moyenne tous les 19 ans, il est constant qu'à la date de la délivrance à M. A...du permis de construire, seul un risque partiel d'inondation de la parcelle avait été identifié et pris en compte par le plan de prévention existant. Par ailleurs, les résultats de ces mêmes études, ayant permis de conclure à la situation de la parcelle E n° 1422 en zone d'aléa moyen ou fort du futur plan de prévention essentiellement en raison de sa situation dans une zone où la vitesse du courant est supérieure à un mètre par seconde, n'ont été portées à la connaissance du maire de Saint-Pée-sur-Nivelle que le 16 septembre 2010, à l'occasion de la présentation de la carte des aléas d'inondation élaborée par les services de l'Etat, soit postérieurement à l'octroi de l'autorisation de construire litigieuse. Il ressort également du courrier adressé le 13 octobre 2011 au maire de la commune par le sous-préfet de Bayonne, que ce n'est que le 22 juillet 2011 que le projet de carte réglementaire ainsi que le projet de règlement du plan de prévention du risque inondation de la Nivelle, lesquels prévoyaient le classement de la quasi-totalité du terrain appartenant à la société Islo en zone rouge inconstructible, ont été officiellement remis à l'autorité municipale par le service aménagement-urbanisme-risques de la direction départementale des territoires et de la mer. Enfin, s'il ressort du paragraphe 2.2 de la note de présentation du plan de prévention des risques d'inondation relatif aux laisses de crues que les ingénieurs et enquêteurs de la Sogreah ont rencontré les agents des services municipaux désignés comme " personnes ressource " par la mairie, afin de " cibler les secteurs touchés " et " les secteurs à enjeux " de la commune, il ne résulte pas de l'instruction que le maire de Saint-Pée-sur-Nivelle aurait, de ce fait, eu nécessairement connaissance de ce que le risque d'inondation en cours de délimitation affectait la parcelle de la société Islo dans sa totalité. Ainsi, la seule circonstance que le terrain d'assiette du projet autorisé par le permis de construire du 24 avril 2009 ait été inondé en 2007 ne permettait pas de supposer connu dans toute son ampleur le risque de submersion le concernant. Par suite, en l'absence de faute imputable à la commune de Saint-Pée-sur-Nivelle, cette dernière est fondée à soutenir, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de sa requête, que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a retenu sa responsabilité en lui imputant une faute dans la délivrance du permis de construire.
Il y a lieu pour la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, de statuer sur la responsabilité sans faute de la commune de Saint-Pée-sur-Nivelle, laquelle a été invoquée par la société Islo dans son mémoire enregistré le 20 juillet 2015 devant le tribunal administratif de Pau.
En ce qui concerne la responsabilité sans faute de la commune de Saint-Pée-sur-Nivelle :
Aux termes de l'article L. 160-5 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction alors applicable : " N'ouvrent droit à aucune indemnité les servitudes instituées par application du présent code en matière de voirie, d'hygiène et d'esthétique ou pour d'autres objets, notamment l'utilisation du sol, la hauteur des constructions, la proportion des surfaces bâties et non bâties dans chaque propriété, l'interdiction de construire dans certaines zones et en bordure de ,certaines voies, la répartition des immeubles entre diverses zones. Toutefois, une indemnité est due s'il résulte
de ces servitudes une atteinte à des droits acquis ou une modification à l'état antérieur des lieux déterminant un dommage direct, matériel et certain (...) ".
La société Islo soutenait devant le tribunal que la responsabilité de la commune était susceptible d'être engagée sur le fondement de ces dispositions dès lors que la servitude instituée par l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme et opposée par le maire pour retirer le certificat d'urbanisme délivré le 22 août 2011 avait porté atteinte au droit qu'elle tenait du permis de construire délivré en 2009. Mais, d'une part, l'application faite par l'administration des prescriptions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ne constitue pas une servitude au sens de l'article L. 160-5 précité de ce code. D'autre part, il résulte de l'instruction que la déclaration d'inconstructibilité du terrain par l'administration et le retrait subséquent du certificat d'urbanisme résultent d'une nouvelle appréciation de sa part des risques d'inondation dans la zone concernée à la suite des dernières études réalisées et de leurs résultats, et non de l'institution d'une servitude d'urbanisme entrant dans le champ d'application des dispositions de l'article L. 160-5 précité. Les conclusions de la société Islo tendant à l'engagement de la responsabilité sans faute de la commune de Saint-Pée-sur-Nivelle ne peuvent, par conséquent, qu'être également rejetées.
Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Saint-Pée -sur-Nivelle est fondée à demander l'annulation du jugement du 1er décembre 2015 du tribunal administratif de Pau, sans qu'il soit besoin de statuer sur sa régularité, et que la demande indemnitaire de la société Islo doit être rejetée.
Sur les conclusions tendant au sursis à l'exécution du jugement :
La cour statuant par le présent arrêt sur les conclusions de la commune de Saint-Pée-sur-Nivelle tendant à l'annulation du jugement attaqué, ses conclusions tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement deviennent sans objet.
Décide :
Article 1er : Le jugement n° 1400894 du 1er décembre 2015 du tribunal administratif de Pau est annulé.
Article 2 : La demande présentée par la société civile de construction-vente Islo devant le tribunal administratif de Pau est rejetée.
Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin de sursis à exécution présentées dans la requête n° 16BX00466.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties dans les deux requêtes est rejeté.
Référence : Cour administrative d’appel de Bordeaux n° 16BX00465 du 23 juin 2016.
Urbanisme pratique n° 316 du 2 février 2017.
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