Un agriculteur introduit une action en responsabilité contre la commune de Heuringhem (Pas-de-Calais) lui réclamant 960 991,93 euros en réparation de son préjudice résultant des fautes commises par cette commune. Le maire a délivré, le 8 septembre 2011, un permis tacite autorisant la construction d’une porcherie. Le permis était illégal puisque le tribunal administratif l’a annulé. Certes, l’agriculteur a obtenu en 2016 un permis modificatif régularisant le projet et, en 2017, la cour administrative a annulé le jugement de 2011. Mais cela ne fait pas obstacle à ce que l’agriculteur réclame réparation du préjudice que lui a causé la commune en lui délivrant un permis illégal (dans son arrêt de 2017, la cour administrative n’a pas jugé que le permis n’était pas illégal : elle a annulé le jugement de 2011 parce que celui qui a attaqué le permis n’avait pas intérêt pour le faire). Le maire doit refuser le permis si le projet nécessite une extension des réseaux et si le concessionnaire ne peut pas indiquer quand cette extension aura lieu (art. L. 111-4, code de l’urbanisme). Or, le projet nécessitait une extension du réseau électrique. Le maire aurait donc dû refuser le permis. Par ailleurs, il aurait dû également le refuser en se fondant sur l’article R. 111-2 en vertu duquel il doit refuser le permis quand le projet ne présente pas toutes les garanties de sécurité. Or, il fallait équiper le terrain d’un puisard utilisable par les services incendies. Mais sur ce point, l’agriculteur le savait puisqu’il avait été destinataire de l’avis du SDIS. Cette faute de la victime atténue d’un tiers la responsabilité de la commune. La commune est condamnée à verser 146 000 euros à l’agriculteur car la délivrance d’un permis initial illégal, puis le retard mis à délivrer un permis de régularisation ont retardé l’ouverture de sa porcherie de 200 truies (CAA Douai 17/05/2022, n° 21DA00564).
Observation : on comprend pourquoi lorsque les chambres régionales desComptes examinent la gestion des communes, elles leur reprochent d’abuser des permis tacites. Quand le permis nait du silence des services d’instruction, ceux-ci n’ont pas examiné les problèmes que pose un projet. D’où les risques de responsabilité ultérieurement.
Michel Degoffe le 22 septembre 2022 - n°440 de Urbanisme Pratique