Transfert des voies de lotissements : les compétences respectives du préfet et du conseil municipal Abonnés
Une voie privée, même ouverte à la circulation publique, n'est pas un élément du domaine public communal. Le vote d’une délibération du conseil municipal classant, dans le domaine public, les voies d’un lotissement ne suffit pas ; pour acquérir ces voies, la commune doit mettre en œuvre la procédure de transfert d'office dans les conditions prévues aux articles L.318-3 et R.318-10 et suivants du code de l'urbanisme (TC 16/05/1994, n°02912).
Il faut que la voie soit ouverte à la circulation publique pour que le transfert soit possible
Ce n’est pas le cas si des propriétaires ont manifesté leur désaccord à cette ouverture à la circulation générale. Ainsi, des propriétaires contestent la décision du préfet des Alpes-Maritimes décidant le transfert d’une voie dans le domaine public communal. Saisi en dernier lieu du litige, le Conseil d’Etat leur donne raison : par un courrier du 13 septembre 2001, de nombreux riverains propriétaires de portions du chemin des Bas Campons, avaient adressé au maire une pétition manifestant leur opposition à ce que leur chemin soit affecté à la circulation publique. Ces propriétaires avaient saisi les juridictions judiciaires d'une demande tendant à interdire aux habitants du groupement d'habitations La Pinatello non titulaires d'un droit de passage d'emprunter le chemin avec leurs véhicules. Le tribunal de grande instance de Grasse avait fait droit à leur demande par un jugement du 5 mars 2002, confirmé par un arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 14 janvier 2008. Il résultait de ces éléments que les propriétaires devaient être regardés, au 18 septembre 2008, comme n'ayant pas consenti, même tacitement, à l'ouverture à la circulation du chemin des Bas Campons. Peu importe que cette opposition n'ait été formalisée que par certains propriétaires, qu'elle n'ait pas été matérialisée par une barrière ou que le chemin ait bénéficié du raccordement à plusieurs réseaux de service public ou d'une desserte de la part des services postaux (CE 13/10/2016, n°381574).
Dans une autre affaire, les propriétaires des voies litigieuses avaient décidé, par une délibération du 14 décembre 2006 transmise au préfet, de fermer ces voies à la circulation générale et de matérialiser cette fermeture par l'apposition de panneaux. Face à cette volonté des propriétaires, le préfet ne pouvait pas opérer un transfert de la voie (CE 17/06/ 2016, n°373187).
Le préfet ne peut opérer que le transfert du terrain affecté à la voie
Par un arrêté du 3 octobre 2011, le préfet de Meurthe-et-Moselle a transféré, dans le domaine public de la communauté urbaine du Grand Nancy, la propriété des voies privées ouvertes à la circulation publique du lotissement Sainte-Marguerite à Tomblaine. Un des colotis conteste ce transfert. Saisi en dernier lieu, le Conseil d’Etat lui donne raison : des photographies aériennes indiquent que la partie de la parcelle AR 31 P transférée dans le domaine public de la communauté urbaine est constituée, d'une part, d'une partie de la rue Jean Rostand, goudronnée, revêtue des marquages de circulation routière et affectée au passage des voitures et, d'autre part, d’un terre-plein. Or, si des véhicules peuvent accéder à deux bennes de recyclage installées sur le terre plein, partiellement recouvert de gravillons, et y stationner, ce terre-plein est séparé de la chaussée de ces rues et n'est pas aménagé en vue de la circulation ou de l'accès à une habitation. Ce terre-plein ne constitue pas une voie privée ouverte à la circulation publique au sens de l'article L. 318-3 du code de l'urbanisme, dès lors qu'il ne constitue ni une voie ni un accessoire indispensable aux rues transférées dont il est contiguë (CE, 19/09/2016, n°386950).
Affaire qu’il faut rapprocher de la suivante. Par une décision du 5 juin 2012, le préfet du Gard a décidé de transférer des voies privées d’un lotissement dans le domaine public de la commune de Saint-Julien-les-Rosiers. Un des propriétaires de la voie conteste ce transfert parce qu’il englobe l’éclairage de la voie et les réseaux souterrains. Saisie du litige, la cour administrative affirme tout d’abord, qu’eu égard à l'absence d'indemnisation qui accompagne, en principe, la mise en œuvre des dispositions de l'article L. 318-3 du code de l'urbanisme, la notion de voies privées ouvertes à la circulation publique dans des ensembles d'habitations, au sens et pour l'application de cet article, ne peut être entendue que strictement. On sait, en effet, que les propriétaires de la voie ne peuvent pas être indemnisés de cette perte de propriété ; le Conseil constitutionnel a déjà eu l’occasion de juger que cette absence d’indemnité n’était pas contraire à la Constitution et, en particulier, au droit de propriété qu’elle protège. La cour ajoute que les nécessités de la circulation font toutefois obstacle à ce que cette notion de voie privée soit cantonnée à la seule chaussée. Une voie privée ouverte à la circulation publique, au sens de l'article L. 318-3 du code de l'urbanisme ,doit être regardée comme comprenant également ceux des accessoires de la voie qui concourent à son utilisation et en constituent un accessoire indissociable. En ce sens, les dispositifs d'éclairage concourent à la sécurité des usagers de la voie et doivent être regardés comme en constituant un accessoire indissociable. Il en va de même pour les réseaux d'évacuation des eaux pluviales, mais pas pour les réseaux d'assainissement et d'eau. Le transfert ne peut pas non plus être étendu aux espaces verts situés sur les parcelles transférées qui, même livrés à l'utilisation collective, ne sont pas des accessoires indissociables de la voie, alors que les documents annexés à l'arrêté mentionnent que ces espaces sont enherbés et plantés d'arbres (CAA Marseille 1er/12/2016, n° 14MA01791).
Il faut distinguer l’opposition à l’ouverture à la circulation générale et opposition au transfert
La première opposition interdit le transfert, la seconde a seulement pour effet de transférer la compétence pour opérer le transfert du conseil municipal au préfet. Ainsi, le préfet de Côte-d’Or a décidé de transférer la voie d’un lotissement dans le domaine public de la commune de Marcilly-sur-Tille. Un propriétaire conteste cette mesure. La cour administrative constate qu’il ressort des nombreux courriers produits tant par le requérant que par la commune, que la voie privée en cause est ouverte depuis longtemps à la circulation publique et que, selon l'arrêté préfectoral contesté, elle est notamment empruntée quotidiennement par les transports scolaires selon le plan de circulation élaboré en concertation avec le conseil général.
Or, les propriétaires de cette voie ou certains d'entre eux n’ont pas manifesté clairement leur volonté de ne plus l'ouvrir à la circulation publique. Dans le rapport établi au terme de l’enquête publique, préalable obligatoire avant le transfert, le commissaire enquêteur fait état de l'opposition de certains propriétaires au transfert de la voie dans le domaine public communal. Mais cette opposition a uniquement pour effet de conférer compétence au préfet pour prononcer le transfert (CAA Lyon 17/03/2016, n° 15LY01117).
Un tiers autre que les propriétaires de la voie ne peut pas demander ce transfert
Le voisin d’un lotissement a demandé au maire de Marsannay-La-Côte (Côte-d'Or) de transférer d'office dans le domaine public communal la voie privée du lotissement. Le maire ayant refusé, il attaque ce refus devant le juge administratif qui rejette ce recours. Certes, la voie en cause permet à l’intéressé d’accéder à son terrain qui se trouve derrière le lotissement. Il aurait pu obtenir à l'amiable de la copropriété du lotissement l'autorisation d'accéder à ses parcelles par cette voie privée dont elles sont contiguës ; cela ne s’est pas fait. Mais cela ne lui donne aucun droit à obtenir le transfert d’office ni même à le solliciter (CAA Lyon 21/06/2012, n° 11LY00363).
Michel Degoffe le 01 décembre 2016 - n°313 de Urbanisme Pratique
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