Lorsque les travaux portent sur les parties communes, l’arrêté de péril peut n’être notifié qu’au syndicat de copropriété
Michel Degoffe le 01 février 2018 - n°338 de Urbanisme Pratique
Procédure contentieuse antérieure :
Le syndicat des copropriétaires du 12 rue Emile Level à Paris et M. C...A...ont demandé au Tribunal administratif de Paris d’annuler l’arrêté de péril relatif à un immeuble leur appartenant pris par le préfet de police le 24 octobre 2012 et la décision du 27 février 2013 rejetant leur recours gracieux formé contre cet arrêté.
Par un jugement n° 1305965/3-3 du 8 avril 2014, le tribunal administratif a réformé l’arrêté de péril en tant qu’il prescrivait la réalisation de travaux destinés à assurer la stabilité et la solidité des caves et rejeté le surplus des conclusions des demandeurs.
Par une requête et par un mémoire complémentaire, enregistrés les 15 décembre 2014 et 16 mars 2015 devant le Conseil d’Etat, puis le 23 avril 2015 devant la Cour administrative d’appel de Paris, le syndicat des copropriétaires du 12 rue Emile Level et M. A...ont demandé à la Cour :
1°) d’annuler ce jugement du Tribunal administratif de Paris du 8 avril 2014, en tant qu’il n’a que partiellement fait droit à leur demande ;
2°) d’annuler l’arrêté de péril mentionné ci-dessus ;
3°) de mettre à la charge de l’État le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Considérant que, par un arrêté du 24 octobre 2012 pris en application des dispositions de l’article L. 511-1 du code de la construction et de l’habitation, le préfet de police a enjoint aux copropriétaires de l’immeuble situé 12 rue Emile Level de procéder, dans un délai de deux mois, à la réalisation de diverses mesures de sécurité ; que le syndicat des copropriétaires et M. A...ont contesté, devant le Tribunal administratif de Paris, cet arrêté ; que, par un jugement du 8 avril 2014, le Tribunal administratif de Paris a réformé cet arrêté en tant qu’il prescrit la réalisation de travaux propres à assurer la stabilité et la solidité des caves et rejeté le surplus des conclusions de leur demande ; que, par une ordonnance du 19 janvier 2016, le président de la 4ème chambre de la Cour administrative d’appel de Paris a rejeté l’appel formé par le syndicat des copropriétaires du 12 rue Emile Level et M. A...contre ce jugement comme irrecevable ; que, par un arrêt du 22 février 2017, le Conseil d’Etat a annulé cette ordonnance et a renvoyé l’affaire à la Cour ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant, en premier lieu, qu’aux termes de l’article 15 de la loi du 10 juillet 1965 susvisée : « Le syndicat a qualité pour agir en justice, tant en demandant qu’en défendant, même contre certains des copropriétaires ; il peut notamment agir, conjointement ou non avec un ou plusieurs de ces derniers, en vue de la sauvegarde des droits afférents à l’immeuble./ Tout copropriétaire peut néanmoins exercer seul les actions concernant la propriété ou la jouissance de son lot, à charge d’en informer le syndic » ; qu’aux termes de l’article 55 du décret du 17 mars 1967 susvisé : « Le syndic ne peut agir en justice au nom du syndicat sans y avoir été autorisé par une décision de l’assemblée générale./ Une telle autorisation n’est pas nécessaire pour les actions en recouvrement de créance, la mise en oeuvre des voies d’exécution forcée à l’exception de la saisie en vue de la vente d’un lot, les mesures conservatoires et les demandes qui relèvent des pouvoirs de juge des référés, ainsi que pour défendre aux actions intentées contre le syndicat (...) » ;
Considérant que le Tribunal administratif de Paris a accueilli la fin de non-recevoir opposée en première instance par le préfet de police et tirée de ce que le syndic ne justifiait pas de sa qualité à agir devant lui au nom du syndicat des copropriétaires du 12 rue Emile Level en l’absence de production d’une délibération de l’assemblée générale des copropriétaires l’autorisant à exercer une action contre l’arrêté de péril litigieux ;
Considérant que les requérants n’ont produit aux débats devant le tribunal administratif aucune délibération en ce sens avant la clôture de l’instruction ; que, s’ils produisent devant la Cour la délibération du 31 juillet 2014 de l’assemblée générale autorisant le syndic à agir en justice, cette production, laquelle est en tout état de cause postérieure au jugement attaqué, n’est pas de nature à régulariser la demande présentée devant le tribunal administratif ; qu’enfin, le litige porté devant le tribunal n’entrait pas dans les cas dans lesquels le syndic serait dispensé de produire une autorisation de l’assemblée générale d’agir en justice ; que, par suite, le syndicat des copropriétaires du 12 rue Emile Level et M. A...ne sont pas fondés à soutenir que c’est à tort que les premiers juges ont rejeté les conclusions du syndicat comme irrecevables ;
Considérant, en deuxième lieu, que le syndicat des copropriétaires du 12 rue Emile Level et M. A...soutiennent que les premiers juges ont omis de statuer sur le moyen tiré de ce qu’en application de l’article 55 du décret du 17 mars 1967, le syndic pouvait agir pour le compte du syndicat sans autorisation de l’assemblée générale ; que, toutefois, le jugement du 8 avril 2014 a notamment visé l’article 55 du décret précité et analysé le mémoire du 25 septembre 2013 produit par les requérants en réponse à la fin de non-recevoir soulevée par le préfet de police ; qu’il a relevé que les requérants n’avaient pas produit la délibération de l’assemblée des copropriétaires autorisant le syndic à agir en justice ; qu’il en a conclu que M. A...qui se prévalait de sa qualité de syndic de l’immeuble, n’avait pas qualité pour agir au nom du syndicat des copropriétaires ; que, dans ces conditions, le jugement n’est entaché d’aucune omission à statuer ;
Considérant, en troisième lieu, que les moyens invoqués devant la Cour dans la requête introductive d’instance selon lesquels le jugement attaqué encourrait l’annulation pour vice de forme, procédure irrégulière, insuffisance de motifs et de base légale, contradiction de motifs, erreur de droit, dénaturation des faits et des pièces du dossier, violation de la loi, notamment des stipulations de l’article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme relatif à la protection des biens et des droits patrimoniaux, méconnaissance des principes généraux du droit et violation des articles R. 741-2 et suivants du code de justice administrative, ne sont en tout état de cause assortis d’aucune précision permettant d’en apprécier la portée ;
Sur la légalité de l’arrêté du 24 octobre 2012 :
Considérant, qu’aux termes de l’article L. 511-1 du code de la construction et de l’habitation : « Le maire peut prescrire la réparation ou la démolition des murs, bâtiments ou édifices quelconques lorsqu’ils menacent ruine et qu’ils pourraient, par leur effondrement, compromettre la sécurité ou lorsque, d’une façon générale, ils n’offrent pas les garanties de solidité nécessaires au maintien de la sécurité publique, dans les conditions prévues à l’article L. 511-2 (...) » ; qu’aux termes de l’article L. 511-1-1 de ce code : « Tout arrêté de péril pris en application de l’article L. 511-1 est notifié aux propriétaires et aux titulaires de droits réels immobiliers sur les locaux (...). Lorsque les travaux prescrits ne concernent que les parties communes d’un immeuble en copropriété, la notification aux copropriétaires est valablement faite au seul syndicat de la copropriété « ; qu’aux termes du I de l’article L. 511-2 du même code : « Le maire, à l’issue d’une procédure contradictoire dont les modalités sont définies par décret en Conseil d’Etat, met le propriétaire de l’immeuble menaçant ruine, et le cas échéant les personnes mentionnées au premier alinéa de l’article L. 511-1-1, en demeure de faire dans un délai déterminé, selon le cas, les réparations nécessaires pour mettre fin durablement au péril (...) » ; qu’aux termes de l’article R. 511-1 dudit code : « Lorsque les désordres affectant des murs, bâtiments ou édifices sont susceptibles de justifier le recours à la procédure prévue à l’article L. 511-2, le maire en informe, en joignant tous éléments utiles en sa possession, le propriétaire et les titulaires de droits réels immobiliers et les invite à présenter leurs observations dans un délai qu’il fixe et qui ne peut être inférieur à un mois (...) » ; qu’aux termes de l’article R. 511-6 dudit code : « Lorsque des désordres affectant les seules parties communes d’un immeuble en copropriété sont susceptibles de justifier le recours à la procédure prévue à l’article L. 511-2, l’information prévue par l’article R. 511-1 est faite au syndicat des copropriétaires pris en la personne du syndic, qui la transmet aux copropriétaires dans un délai qui ne peut excéder vingt et un jours (...) » ; et qu’aux termes de l’article 3 de la loi du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis : « Sont communes les parties des bâtiments et des terrains affectées à l’usage ou à l’utilité de tous les copropriétaires ou de plusieurs d’entre eux (...) » ;
Sur la légalité externe de l’arrêté :
Considérant, d’une part, que conformément aux dispositions précitées de l’article R. 511-6 du code de la construction et de l’habitation, lorsqu’un arrêté de péril concerne les seules parties communes l’information prévue par l’article R. 511-1 de ce code est faite au syndicat des copropriétaires pris en la personne du syndic ; que les travaux prescrits par le préfet de police, tendant notamment à la réfection de la toiture, de la façade, du mur pignon et des planchers, ainsi qu’à la fixation de la bâche couvrant la toiture, concernent les parties communes de la copropriété ; que le préfet de police pouvait donc notifier le courrier d’information daté du 31 mai 2012 mentionné ci-dessous, au seul syndicat des copropriétaires ;
Considérant, d’autre part, qu’il résulte de l’instruction que le préfet de police a adressé au cabinet G. IMMO, alors syndic, un courrier daté du 31 mai 2012 et reçu le 6 juin suivant, l’informant de la mise en oeuvre de la procédure prévue à l’article L. 511-1 et suivants du code de la construction et de l’habitation, des travaux à entreprendre sur les parties communes de l’immeuble et l’invitant à produire ses observations dans un délai de trois mois et à se présenter à une visite technique qui s’est déroulée le 10 septembre 2012 ; que la circonstance que la délibération de l’assemblée des copropriétaires du 21 décembre 2009 désignant le cabinet G. IMMO en qualité de syndic de l’immeuble à compter du 12 mars 2010 n’était pas régulière et qu’elle a été annulée par un arrêt de la Cour d’appel de Paris du 20 novembre 2013 est sans incidence sur la procédure contradictoire, laquelle a été menée conformément aux dispositions précitées du code de la construction et de l’habitation par le préfet de police et adressée au syndic alors désigné par l’assemblée générale des copropriétaires et connu de l’administration, à la date de la décision attaquée ;
Sur la légalité interne de l’arrêté :
Considérant, d’une part, qu’il résulte de l’instruction qu’au vu du rapport du 10 avril 2012, dans lequel l’architecte de sécurité de la préfecture de police conclut à l’existence d’un péril après avoir constaté qu’une partie du mur pignon se désolidarise de la façade sur rue, qu’une réfection des planchers est nécessaire, que la façade sur cour est dégradée à cause de l’humidité, et que la retombée des bandes sur la toiture n’assure pas une étanchéité parfaite des maçonneries, le préfet de police a enjoint, dans un délai de deux mois, aux copropriétaires d’assurer la réfection, notamment, du mur pignon donnant sur rue, de la voûte des caves, des planchers et de la toiture ; qu’ainsi, contrairement à ce que soutiennent les requérants, les travaux de réparation imposés par le préfet de police apparaissent nécessaires pour remédier à la situation de péril ; que, d’autre part, si, ainsi que l’ont estimé à bon droit les premiers juges, les travaux de réfection de la voûte des caves réalisés en juin 2013 permettent de satisfaire aux prescriptions du préfet de police, il ne résulte pas de l’instruction et notamment du rapport du 18 juin 2013 de l’architecte de sécurité, que les travaux entrepris sur le mur pignon, sur les planchers, sur la façade sur cour et sur la toiture soient suffisants pour répondre à ces prescriptions ; que la circonstance que ces travaux ont été votés par l’assemblée des copropriétaires et que leur réalisation a été différée pour des raisons de financement, et que d’autres travaux ont été spontanément réalisés, est sans influence sur le bien-fondé des décisions contestées ;
Décide :
Article 1er : La requête du syndicat des copropriétaires du 12 rue Emile Level à Paris et de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au syndicat des copropriétaires du 12 rue Emile Level à Paris
Référence : Cour Administrative d’Appel de Paris n° 17PA00852 du 11 octobre 2017.
Urbanisme pratique n° 338 du 1er février 2018.
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