L’État peut imposer des règles d’urbanisme dérogatoires quand l’intérêt général l’exige Abonnés
Les associations doutaient, tout d’abord, de la constitutionnalité de l’institution d’un droit de préemption qui permet aux communes de préempter un terrain exposé au recul du trait de côte. Selon elles, cette disposition méconnaîtrait le principe de libre administration des collectivités territoriales garanti par les articles 72 alinéa premier et 72-2 de la Constitution ; à leur yeux, le législateur n'aurait pas prévu de ressources particulières pour que les communes et EPCI littoraux exercent ce droit de préemption. Le Conseil d’Etat écarte l’argument et refuse de renvoyer la question au Conseil constitutionnel : le Conseil d’Etat considère qu’il n’y a pas d’atteinte à la libre administration des collectivités territoriales puisque les communes conserveront la liberté de préempter ou pas. De plus, l’ordonnance n’a méconnu aucun principe constitutionnel en précisant les modalités de fixation de l’indemnité de préemption ou d’expropriation (article L. 291-7, code de l’urbanisme). En l’absence d’accord amiable, le juge de l’expropriation fixera une indemnité qui tiendra compte de l'exposition du bien au recul du trait de côte. Le législateur a ainsi garanti la prise en compte de la situation particulière de chaque bien.
En outre, l’article L. 321-8 du code de l’environnement crée un bail réel d’adaptation à l’érosion côtière, contrat de bail que peut consentir l'Etat, une commune ou un groupement de communes à un preneur pour une longue durée (entre 12 et 99 ans). Le preneur pourra y construire ou réaliser des aménagements dans ces zones exposées au recul du trait de côte. Au terme du bail, le bailleur est chargé de la renaturation (art. L. 321-25).
Les associations soutenaient que cette disposition méconnaissait l'article 4 de la Charte de l'environnement, selon lequel : " Toute personne doit contribuer à la réparation des dommages qu'elle cause à l'environnement ", puisque le preneur n’avait aucune obligation de remise en état du bien. Là encore, le Conseil d’Etat écarte cet argument car l'opération de renaturation ne constitue pas la réparation d'un dommage à l'environnement. Le Conseil d’Etat ajoute qu’aucun principe général du droit, notamment le principe constitutionnel du pollueur-payeur ou la directive 2004/35/CE du 21 avril 2004 sur la responsabilité environnementale, n’exige que le preneur remette les lieux en l'état (CE 13/10/2023, n° 464202).
Michel Degoffe le 04 janvier 2024 - n°468 de Urbanisme Pratique
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