Dans certaines hypothèses, la démolition est soumise à un permis de démolir Abonnés
Il en est ainsi, par exemple, pour la construction située dans le périmètre d’un secteur sauvegardé devenu un site patrimonial remarquable (CE 30/12/2020, n° 434818) ou, encore, pour le projet situé dans un site inscrit sur la liste des sites et des monuments naturels classés selon les articles L. 341-1 et suivants du code de l’environnement (CAA Marseille 15/02/2018, n° 16MA00590).
Dans une affaire, le maire de Saint-Quentin-la-Poterie (Gard) a délivré un permis de construire quatorze logements individuels et trente-trois logements collectifs. Un voisin soutient que le projet était soumis à permis de démolir. La cour administrative écarte l’argument. Le projet consiste en la réalisation, après démolition des constructions existantes, d’une cheminée inscrite à l’inventaire général du patrimoine culturel, d’un immeuble de trente-trois logements et de quatorze villas. Mais, d’une part, le conseil municipal n’a pas adopté une délibération instituant le permis de démolir, et, d’autre part, le projet n’est pas situé dans un secteur sauvegardé. Le projet n’était donc pas soumis à une autorisation de démolir (CAA Marseille 1er/06/2021, n° 20MA03919).
Dans une autre affaire, le maire de Tours (Indre-et-Loire) a délivré un permis de construire en vue de la construction, après démolition, de deux immeubles de 56 logements au total. Le permis de démolir n’était alors pas nécessaire. En revanche, il ressort de l’avis de l’architecte des Bâtiments de France que les parcelles qui ont fait l’objet du permis de construire contesté sont situées en dehors du champ de visibilité du château du Pilorget, classé aux monuments historiques. Il n’est pas établi ni même allégué que ces parcelles étaient situées dans une partie où le conseil municipal de la commune avait décidé d’instaurer le permis de démolir. Aussi, aucun permis de démolir n’était nécessaire (CAA Nantes 21/12/2018, n° 18NT01313).
L’architecte des Bâtiments de France peut s’opposer à la démolition totale
Le maire de Givet (Ardennes) a délivré un permis de démolir un ensemble immobilier constitué de deux maisons dans lesquelles un incendie s’était déclaré le 30 mars 2017. Il l’a assorti de prescriptions ayant pour objectif la préservation d’une partie des façades de cet ensemble immobilier. Le pétitionnaire conteste ces prescriptions. La cour administrative constate qu’elle découle de l’avis de l’ABF. Dans son avis du 9 juin 2017, l’architecte des Bâtiments de France évoque la place importante que l’immeuble touché par le sinistre occupe dans la rue du fait de sa composition traditionnelle en pierre et de son implantation à l’alignement. Dès lors, l’avis retient qu’il participe de façon significative à la composition urbaine et à la qualité du front bâti. Or, de telles considérations ne sont pas étrangères à l’objectif de conservation ou de mise en valeur d’un monument historique ou de ses abords visé à l’article L. 621-32 du code du patrimoine. L’ABF a ainsi pu se fonder sur des considérations de cet ordre pour émettre ses prescriptions et écarter la perspective d’une démolition totale de l’ensemble immobilier en cause (CAA Nancy 29/10/2020, n° 19NC00675).
S’il ne s’agit pas de démolir un bâtiment, le permis de démolir n’est pas nécessaire
« Doivent être précédés d’un permis de démolir les travaux ayant pour objet de démolir ou de rendre inutilisable tout ou partie d’une construction située dans une commune ou une partie de commune où le conseil municipal a décidé d’instituer le permis de démolir. » (art. R. 421-27, code de l’urbanisme). Par conséquent, dans les deux hypothèses où le permis de démolir est exigé, il s’impose dès lors qu’il y a démolition totale ou partielle d’une construction. Le maire de Senlis (Oise) s’est opposé à une déclaration en vue de la régularisation de travaux réalisés sans autorisation administrative. Ces travaux consistaient en la reconstruction de deux murs de soutènement avec parement et en la création d’un escalier donnant accès à une cave ainsi que d’une terrasse enherbée. La commune soutient que le maire était en situation de compétence liée (il ne pouvait pas prendre une autre décision) car le projet est localisé dans un site inscrit et donc soumis à l’avis conforme de l’architecte des Bâtiments de France. L’architecte ayant émis un avis défavorable, le maire ne pouvait que s’opposer au projet. « Lorsque le projet porte sur la démolition d’un bâtiment situé dans un site inscrit en application de l’article L. 341-1 du code de l’environnement, le permis de démolir ne peut intervenir qu’avec l’accord exprès de l’architecte des Bâtiments de France. » (art. R. 425-18, code de l’urbanisme). La cour administrative écarte l’argument : si les travaux de démolition d’une construction située dans un site inscrit requièrent un permis de démolir, celui-ci n’exige l’accord exprès de l’architecte des Bâtiments de France (ABF) que si ces travaux portent sur un bâtiment.
Or, en l’espèce, le mur existant ne saurait être qualifié de « bâtiment » alors qu’il n’est pas une « construction couverte et close », n’est, en outre, pas relié à un bâtiment, et ne présente pas un caractère particulier par ses dimensions, son importance ou la nature des matériaux qui le composent. Par conséquent, l’ABF ne devait pas donner son accord exprès sur le projet mais rendre un avis simple, qui ne liait pas le maire (CAA Douai 1er/02/2024, n° 22DA02595).
La demande de permis de construire peut englober la demande de permis de démolir
« Lorsque la démolition est nécessaire à une opération de construction ou d’aménagement, la demande de permis de construire ou d’aménager peut porter à la fois sur la démolition et sur la construction ou l’aménagement. Dans ce cas, le permis de construire ou le permis d’aménager autorise la démolition » (art. L. 451-1, code de l’urbanisme).
Le maire de Rognes (Bouches-du-Rhône) a délivré un permis de construire un ensemble immobilier de 32 logements. Un voisin attaque le permis, en soutenant qu’il aurait dû être précédé d’un permis de démolir. « Lorsque les travaux projetés nécessitent la démolition de bâtiments soumis au régime du permis de démolir, la demande de permis de construire ou d’aménager doit : / a) Soit être accompagnée de la justification du dépôt de la demande de permis de démolir ; / b) Soit porter à la fois sur la démolition et sur la construction ou l’aménagement » (art. L. 451-1, précité). L’article A. 424-16 du même code dispose que si le projet prévoit des démolitions, le panneau d’affichage de l’autorisation doit indiquer la surface du ou des bâtiments à démolir (art. R. 431-21, code de l’urbanisme).
Si le permis de construire et le permis de démolir peuvent être accordés par une même décision, au terme d’une instruction commune, ils constituent néanmoins des actes distincts ayant des effets propres. Eu égard à l’objet et à la portée du permis de démolir, la décision statuant sur la demande de permis de construire ne peut valoir autorisation de démolir que si le dossier de demande mentionne explicitement que le pétitionnaire entend solliciter cette autorisation et ce, peu importe que les plans joints à la demande de permis de construire montrent que la réalisation de la construction implique la démolition de bâtiments existants.
Dans cette affaire la rubrique 5.2 du formulaire CERFA de la demande de permis de construire, relative à la nature du projet envisagé, indique que celui-ci consiste en la démolition d’une villa individuelle, de son hangar annexe et d’une piscine privée ainsi qu’en la construction d’un ensemble immobilier de 32 logements. La rubrique 6 - à remplir lorsque le projet nécessite des démolitions et dont la case « démolition totale » a été cochée -, confirme la démolition de ces ouvrages. Le dossier de la demande comporte, en outre, le plan des constructions à démolir et des photographies de celles-ci. Dès lors que le dossier de demande mentionnait explicitement que le pétitionnaire entendait solliciter la délivrance d’un permis de démolir, le permis de construire délivré par le maire de Rognes à la société Edelis à travers l’arrêté du 1er juin 2021 vaut permis de démolir (CAA Marseille 15/02/2024, n° 23MA02263).
Dans une autre affaire, le maire de Nîmes (Gard) a délivré un permis de construire un immeuble collectif de 49 logements. Un voisin soutient que le pétitionnaire aurait dû solliciter la démolition d’un mur de clôture. La cour administrative rejette l’argument. Le pétitionnaire a sollicité, en même temps qu’un permis de construire un immeuble collectif de quarante-neuf logements individuels, l’autorisation de démolition totale du bâti existant sur le terrain d’assiette de son projet. Si le plan de masse et les vues aériennes des ouvrages à démolir ne montrent pas la démolition du mur de clôture, le plan de masse fourni à l’appui de la demande de permis modificatif relève bien la démolition de ce mur de clôture. Il en résulte que le permis de construire valait donc autorisation de démolition du mur de clôture (CAA Toulouse 6/10/2022, n° 21TL00446).
Le maire de Colombier-Saugnieu (Rhône) a délivré un permis de construire en vue de l’édification d’un ensemble de logements et de commerces. Un voisin attaque le permis, en soutenant qu’il aurait dû être précédé ou s’accompagner d’un permis de démolir. La cour lui donne raison : la parcelle, classée en zone UDm et qui fait partie du terrain d’assiette déclaré dans la demande de permis, supporte un bâtiment dont la démolition était soumise à un permis de démolir. En se bornant à verser au dossier de permis de construire un plan de masse et un plan de situation où est mentionnée, sur cette parcelle, une construction dont l’emprise coïncide avec la future voirie de l’ensemble immobilier projeté, le pétitionnaire, qui n’a pas joint au dossier la justification du dépôt d’une demande de permis de démolir et qui n’a pas précisé que son projet impliquait une démolition partielle ou totale du bâtiment existant, ne peut être considéré comme ayant présenté une demande de permis de démolir (CAA Lyon 27/03/2018, n° 16LY02606).
Michel Degoffe le 14 mars 2024 - n°473 de Urbanisme Pratique
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