Le justiciable n’obtiendra l’annulation d’un permis parce que fondé sur un PLU illégal qu’en démontrant que le projet n’est pas réalisable au vu du document d’urbanisme antérieur remis en vigueur
Michel Degoffe le 04 février 2021 - n°404 de Urbanisme Pratique

Procédure contentieuse antérieure
M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 28 juin 2018 par lequel le maire de la commune de Péron a accordé à la société Progimo un permis d'aménager pour la création d'un lotissement de neuf lots, ainsi que la décision implicite rejetant son recours gracieux.
Par un jugement n° 1809352 du 16 juillet 2019, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande et a mis à la charge de M. C... une somme de 1 400 euros à verser à la commune de Péron au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire enregistrés le 16 septembre 2019 et le 17 janvier 2020, M. C..., représenté par la SCP B... Para Triquet-Dumoulin Laurin Baron, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 16 juillet 2019 ;
2°) d'annuler ce permis d'aménager du 28 juin 2018 ;
3°) de mettre solidairement à la charge de la commune de Péron et de la société Progimo, la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par deux mémoires en défense enregistrés le 17 décembre 2019 et le 5 mars 2020, la commune de Péron, représentée par la société d'avocats Droit public consultants, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge du requérant au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Considérant ce qui suit :
Par arrêté du 28 juin 2018, le maire de Péron a délivré à la société Progimo un permis d'aménager un lotissement de neuf lots, sur un terrain situé chemin de la Pierre à Niton - chemin du Creux de l'Etang au lieu-dit " Feigères ". M. A... C... relève appel du jugement du 16 juillet 2019 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ce permis et de la décision implicite rejetant le recours gracieux qu'il avait formé à son encontre.
Sur la légalité du permis du 28 juin 2018 :
En premier lieu, aux termes de l'article L. 441-4 du code de l'urbanisme : " La demande de permis d'aménager concernant un lotissement ne peut être instruite que si la personne qui désire entreprendre des travaux soumis à une autorisation a fait appel aux compétences nécessaires en matière d'architecture, d'urbanisme et de paysage pour établir le projet architectural, paysager et environnemental dont, pour les lotissements de surface de terrain à aménager supérieure à un seuil fixé par décret en Conseil d'Etat, celles d'un architecte au sens de l'article 9 de la loi n° 77-2 du 3 janvier 1977 sur l'architecture ou celles d'un paysagiste concepteur au sens de l'article 174 de la loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages. ". Aux termes de l'article R. 441-4-2 du même code : " Le seuil mentionné à l'article L. 441-4 est fixé à deux mille cinq cents mètres carrés. ".
Il ressort de la demande de permis en litige que le projet porte sur un lotissement dont le terrain à aménager présente une superficie de 4 355 m2 et qu'il a été élaboré par un architecte. Dans ces conditions, alors que le pétitionnaire a satisfait à l'obligation mentionnée aux dispositions précitées au point 2, le moyen tiré de la méconnaissance de ces mêmes dispositions manque en fait et doit être écarté.
En deuxième lieu, le requérant ne saurait utilement soutenir qu'un permis d'aménager a été délivré sous l'empire d'un document d'urbanisme illégal sans faire valoir que ce permis méconnaît les dispositions d'urbanisme pertinentes que l'illégalité qu'il allègue aurait pour effet de remettre en vigueur. En l'espèce, M. C... se borne à critiquer la légalité du classement du terrain d'assiette du projet en zone U sans faire valoir que les dispositions pertinentes du document d'urbanisme remis en vigueur font obstacle à la délivrance du permis d'aménager en litige. Dans ces conditions, les moyens selon lesquels le classement des terrains d'implantation du projet en zone urbaine ne serait pas compatible avec les objectifs du projet d'aménagement et de développement durable (PADD) visant à maintenir l'activité agricole et à protéger les espaces naturels ni avec les mentions du rapport de présentation, ni avec le schéma de cohérence territorial (SCOT) du pays de Gex ainsi qu'avec les objectifs de préservation des espaces agricoles et naturels mentionnés à l'article L. 122-10 du code de l'urbanisme doivent être écartés.
En troisième lieu, aux termes de l'article 1.U du règlement du PLU intitulé Occupations et utilisations du sol interdites : " Dans les périmètres identifiés au titre de l'article L. 123-1-7° du code de l'urbanisme : / Toute construction nouvelle qui ne répond pas aux conditions particulières de l'article 11. / (...) ". Aux termes de l'article 11.U du plan local d'urbanisme relatif à l'aspect extérieur : " La qualité architecturale ne résulte pas uniquement de dispositions réglementaires. / Lorsqu'un projet est de nature à modifier fortement le site existant, ou à créer un nouveau paysage, l'aspect des constructions peut être apprécié selon des critères plus généraux que ceux ci-dessous détaillés pour les articles 11.2 et 11.3, notamment dans le cas de la mise en œuvre de matériaux ou de techniques liées aux économies d'énergies, aux énergies renouvelables, ou à la bio-construction. / (...) ". Aux termes de l'article 11.1 de ce même PLU, relatif à l'implantation et au volume : " L'implantation, le volume et les proportions des constructions dans tous leurs éléments doivent être déterminés en tenant compte de l'environnement et en s'y intégrant le mieux possible, en particulier par leur adaptation au terrain et par leurs aménagements extérieurs, et notamment du point de vue des perceptions lointaines et dominantes de ladite construction. / (...) ".
Il ressort des pièces du dossier, notamment du rapport de présentation que si le hameau de Feigères se distingue par sa " taille modeste, des abords où la présence agricole est encore forte et dont la structure traditionnelle est encore lisible ", les photographies versées au dossier confirment le constat de ce même rapport suivant lequel ce hameau a fait l'objet d'un développement de l'urbanisation qui s'est ralenti récemment " au profit de maisons individuelles parsemées autour du noyau d'origine ". En l'espèce, le projet, qui relève du périmètre de protection définit en application de l'article L. 123-1-5 7° du code de l'urbanisme, consiste en la création d'un lotissement de 9 lots dont 7 seront destinés à recevoir une habitation individuelle tandis que le lot 3 pourra recevoir jusqu'à deux logements et le lot 4 sera quant à lui destiné à recevoir un collectif comportant les logements sociaux nécessaires à l'opération. Le projet de règlement du lotissement prévoit une adaptation des futures constructions à la pente du terrain, sa bonne insertion dans son environnement proche, caractérisé par l'existence de constructions de type pavillonnaire ainsi que le respect des prescriptions sur l'aspect extérieur des bâtiments et leur végétalisation. Si le requérant fait valoir que le projet litigieux se présente comme un lotissement à "parcelles standardisées", cette seule circonstance ne saurait suffire au stade du permis d'aménager à caractériser une mauvaise insertion du projet dans son environnement proche. Il en résulte que le moyen tiré de la violation des dispositions du règlement du PLU de Péron précitées au point 4 doit être écarté.
En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 122-5 du code de l'urbanisme : "L'urbanisation est réalisée en continuité avec les bourgs, villages, hameaux, groupes de constructions traditionnelles ou d'habitations existants, sous réserve de l'adaptation, du changement de destination, de la réfection ou de l'extension limitée des constructions existantes, ainsi que de la construction d'annexes, de taille limitée, à ces constructions, et de la réalisation d'installations ou d'équipements publics incompatibles avec le voisinage des zones habitées". Le requérant soutient que les chemins du Creux de l'Etang et de la Pierre à Niton constituent une coupure à l'urbanisation de l'autre côté desquels subsiste une vaste zone agricole dans laquelle s'insère le terrain d'assiette du projet. Il ressort toutefois des pièces du dossier que le terrain d'assiette s'insère dans le périmètre constructible et urbanisé du hameau, en continuité d'une zone pavillonnaire située sur son versant sud, de l'autre côté des voies précitées, lesquelles ne constituent pas une rupture de l'urbanisation, dès lors que d'autres maisons d'habitation de type pavillonnaire entourent le terrain sur ses parties est et ouest. Dans ces conditions, le moyen tiré de la violation par le projet des dispositions précitées du règlement de la commune de Péron doit être écarté.
En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 111-3 du code rural et de la pêche maritime : "Lorsque des dispositions législatives ou réglementaires soumettent à des conditions de distance l'implantation ou l'extension de bâtiments agricoles vis-à-vis des habitations et immeubles habituellement occupés par des tiers, la même exigence d'éloignement doit être imposée à ces derniers à toute nouvelle construction et à tout changement de destination précités à usage non agricole nécessitant un permis de construire, à l'exception des extensions de constructions existantes.(...) ". Les dispositions de l'arrêté du 27 décembre 2013 relatif aux prescriptions générales applicables aux installations classées pour la protection de l'environnement soumises à déclaration sous les rubriques 2101-1, 2101-2, 2101-3 (élevages de bovins), prévoient dans la partie annexe de l'arrêté relative aux règles d'implantation que "les bâtiments d'élevage et leurs annexes sont implantés à une distance minimale de : 100 mètres des habitations ou locaux habituellement occupés par des tiers (...) cette distance peut être réduite à : a) 50 mètres lorsqu'il s'agit de bâtiments d'élevage de bovins sur litière accumulée ; (...)".
Il appartient à l'autorité compétente pour délivrer le permis de construire un bâtiment à usage d'habitation de vérifier le respect des dispositions législatives ou réglementaires fixant de telles règles de distance, quelle qu'en soit la nature.
Il ressort des pièces du dossier que le bâtiment situé à proximité du projet en litige est utilisé pour une exploitation d'une cinquantaine de vaches allaitantes. Cette exploitation, dont le nombre de vaches allaitantes est inférieur à 100, n'est pas en vertu de l'annexe 3 de l'article R. 511-9 du code de l'environnement, soumise au régime des installations classées. Dans ces conditions, le requérant ne peut utilement se prévaloir du non-respect par le projet de la distance de 100 mètres applicable aux seules exploitations de bovins relevant du régime des installations classées et, partant de la méconnaissance des dispositions précitées de l'arrêté du 27 décembre 2013.
En sixième et dernier lieu, M. C... fait valoir que le maire de Péron aurait dû s'opposer à la demande de la société pétitionnaire au motif que le projet de lotissement en litige serait de nature à compromettre ou rendre plus onéreuse l'exécution du futur PLUiH de la commune en cours d'élaboration par la communauté de communes du Pays de Gex (CCPG), compétente en la matière.
Aux termes de l'article L. 153-11 du code de l'urbanisme : "L'autorité compétente peut décider de surseoir à statuer, dans les conditions et délai prévus à l'article L. 424-1, sur les demandes d'autorisation concernant des constructions, installations ou opérations qui seraient de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l'exécution du futur plan dès lors qu'a eu lieu le débat sur les orientations générales du projet d'aménagement et de développement durable". Une telle possibilité vise à permettre à l'autorité administrative de ne pas délivrer des autorisations pour des travaux, constructions ou installations qui seraient de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l'exécution du futur plan local d'urbanisme. Il appartient à l'autorité compétente de prendre notamment en compte les orientations du projet d'aménagement et de développement durables dès lors qu'elles traduisent un état suffisamment avancé du futur plan local d'urbanisme pour apprécier si un projet serait de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuses l'exécution de ce plan.
Il ressort des pièces du dossier, notamment de la délibération du conseil communautaire de la CCPG du 28 mars 2019 tirant le bilan de la concertation que deux séries de débats sur le PADD se sont tenues. La première série s'est tenue dans les communes membres puis au sein du conseil communautaire le 21 décembre 2017 et la seconde, le 20 décembre 2018. Toutefois en l'absence d'orientation précise du projet d'aménagement et de développement durables (PADD), examiné lors de la séance du conseil communautaire du 21 décembre 2017, ou de tout autre document versé aux débats et portant spécifiquement sur le secteur du hameau de Feigères, il ne ressort pas des pièces du dossier que le terrain d'assiette du projet, situé dans l'enveloppe urbanisée du hameau de Feigères, faisait déjà, le 28 juin 2018, date du permis litigieux, l'objet du classement en zone UGp2, laquelle a été définie, selon le projet de règlement produit daté du 9 mars 2019, comme une "zone urbaine générale à préserver" à constructibilité restreinte. Dans ces conditions, le maire a pu délivrer le permis litigieux sans entacher sa décision d'erreur manifeste d'appréciation.
Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par la commune de Péron, que le requérant n'est pas fondé à demander l'annulation du permis d'aménager délivré par le maire de Péron le 28 juin 2018 à la société Progimo.
Décide :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : M. C... versera à la commune de Péron la somme de 2 000 euros à au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C..., à la commune de Péron et à la société Progimo.
Référence : Cour Administrative d’Appel de Lyon n° 19LY03560 du 25 août 2020.
Urbanisme pratique n° 404 du 4 février 2021.
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