Éditions Sorman

Par un arrêté du 25 avril 2014, le maire de Furiani (Haute-Corse) a délivré un permis de construire un immeuble. Le préfet saisit le président du tribunal administratif de Bastia, juge des référés sur le fondement de l’article L. 554-1 du code de justice administrative. En vertu de cet article, le préfet peut assortir son recours contre un acte d’une collectivité territoriale d’une demande de suspension dont les conditions d’obtention sont plus souples : le juge devra ordonner que l’acte ne soit pas exécuté si l'un des moyens invoqués paraît, en l'état de l'instruction, propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de l'acte attaqué. Il est statué dans un délai d'un mois. A la différence d’un justiciable ordinaire, le préfet n’a donc pas à démontrer qu’il y a urgence à ce que l’exécution de l’acte soit suspendu. Le président du tribunal administratif a accordé la suspension, ce que conteste la société titulaire du permis devant le Conseil d’Etat juge de cassation. Celui-ci constate, tout d’abord, qu’il y avait bien un doute sérieux sur la légalité du permis : une partie au moins de la parcelle d'assiette du projet litigieux est située dans une des zones d'aléa fort, identifiées par le plan de prévention du risque inondation.
La société reproche ensuite au président du tribunal administratif de ne pas avoir utilisé la possibilité que lui offre l'article L. 600-5-1 introduit par une ordonnance du 18 juillet 2013 dans le code de l’urbanisme : "le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé par un permis modificatif, peut, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation. Si un tel permis modificatif est notifié dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations". Le Premier ministre a adopté cette disposition afin de faciliter la résolution du contentieux en matière d’urbanisme. Dans cette affaire, le Conseil d’Etat juge que cette disposition n’est applicable que lorsque le juge règle définitivement le litige (quand il statue au fond). Le Conseil d’Etat ne disconvient pas que l’illégalité en cause serait susceptible d'être régularisée en application de l’article L. 600-5-1. Mais cet article n’est pas applicable aux procédures de référé. Le président du tribunal administratif de Bastia ne devait donc pas surseoir à statuer pour permettre au bénéficiaire du permis de déposer une demande régularisant son permis (CE 22/05/2015, n°385183).

Michel Degoffe le 18 juin 2015 - n°281 de Urbanisme Pratique