La Société des Eaux du Touquet a effectué, pour le compte de la commune d'Etaples-sur-Mer, des travaux de pose d'une canalisation d'eau potable dans le sous-sol d’une maison appartenant à un propriétaire privé. Or, pour effectuer cette pose, la commune n’a ni procédé à une expropriation, ni à l'institution de servitudes dans les conditions prévues aux articles L. 152-1, L. 152-2 et R. 152-1 à R. 152-15 du code rural. Elle n’a pas non plus recherché un accord amiable avec le propriétaire. L’implantation de la canalisation est donc irrégulière. La cour administrative estime cependant qu’il n’y a pas voie de fait qui rendrait le juge judiciaire compétent pour connaître l’action du propriétaire. La voie de fait suppose une atteinte à une liberté ou au droit de propriété et un acte gravement illégal. Cette seconde condition n’est pas remplie ici car l'ouvrage public litigieux a été construit en raison d'erreurs matérielles de délimitation tenant à la configuration des lieux. La commune a simplement commis une erreur. Il y a cependant emprise (c’est-à-dire atteinte à la propriété privée immobilière). Dans cette affaire, le juge administratif se déclare incompétent pour constater l’emprise et enjoindre à la commune de procéder au déplacement de la canalisation d'eau implantée. En effet, en vertu de l’article L. 911-1 du code de justice administrative, lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, peut prescrire, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. Selon cet article, le juge peut donc adresser des injonctions à la commune, en l’occurrence ordonner à la commune de mettre fin à l’emprise irrégulière. Mais, c'est à la condition préalable que le juge ait été saisi d’un recours contre une décision du maire refusant de déplacer la canalisation, c’est-à-dire de faire cesser l’emprise. Or, le propriétaire n’a jamais demandé à la commune de cesser son emprise irrégulière (CAA Douai 23/09/2010, n° 08DA01669).
Remarque : le juge n’adresse jamais directement des injonctions à l’administration ; il le fait après avoir annulé une décision prise par l’administration.
Michel Degoffe le 24 mars 2011 - n°187 de Urbanisme Pratique
Source : la documentation juridique en ligne de Urbanisme Pratique n°70 du 01 décembre 2011