La loi climat et résilience votée en 2021 fixe un objectif de zéro artificialisation nette en 2050 (toute terre artificialisée devra être compensée par la désartificialisation d’une autre). Mais elle fixe un objectif plus immédiat : dans les dix prochaines années, l’artificialisation devra être réduite de moitié par rapport aux dix années précédentes. Cet objectif a inquiété les communes pour différentes raisons et l’Association des maires de France (AMF) s’est fait l’écho de leur inquiétude en attaquant devant le Conseil d’Etat, les deux décrets d’application (datés du 29 avril) de la loi climat et résilience. Le Conseil d’Etat s’est prononcé dans deux arrêts de début octobre et n’a donné que très partiellement satisfaction à l’AMF. La récrimination principale de l’AMF portait sur la relation qui s’instaure entre le schéma régional d’aménagement et de développement durable du territoire (SRADDET) et les documents communaux. L’AMF soutenait que les sénateurs avaient obtenu la garantie, lors du vote de la loi Climat et résilience, que le rapport entre les documents d’urbanisme et le SRADDET seraient des rapports de prise en compte et non des rapports de compatibilité (plus stricts). Le décret d’application du 29 avril a, au contraire, exigé un rapport de compatibilité. Le Conseil d’Etat a jugé que cette disposition ne méconnaissait pas l’intention du législateur. Ce travail de la région perdrait toute valeur si les SCoT pouvaient facilement s’en émanciper. La Haute juridiction rappelle que le document régional fixe des objectifs territorialisés, en général à l’échelle du SCoT. Il est donc possible de différencier les objectifs selon la situation des différents territoires, par exemple, être plus exigeant avec un périmètre de SCoT qui a déjà beaucoup artificialisé dans le passé, et fixer des objectifs élevés à un territoire qui ne subit pas une pression démographique telle qu’il aurait besoin d’artificialiser. C’était, en effet, l’un des reproches adressés au texte : en substance, ses contempteurs faisaient remarquer que l’objectif de réduire de moitié l’artificialisation par rapport aux dix années précédentes pourrait avantager les territoires qui n’ont pas été vertueux dans le passé et désavantager ceux qui, au contraire, l’ont été.
Dans le même ordre d’idée, l’AMF reprochait au décret de ne pas tenir compte des efforts entrepris dans le passé. L’article R. 4251-3 du CGCT indique que, parmi les critères qui doivent guider le conseil régional, l’effort accompli dans le passé n’y figure pas. Le Conseil d’Etat écarte l’argument en se fondant sur l’article 194 de la loi Climat et résilience du 22 août 2011 : il résulte de cet article que lors de l’élaboration du Sraddet, les gestionnaires de SCoT sont consultés et ils pourront à ce stade, faire valoir cet argument.
L’AMF a obtenu satisfaction sur un point. Le Conseil d’Etat a jugé que le Premier ministre ne pouvait pas renvoyer dans son décret, qu’un arrêté ministériel pourrait déterminer comment un espace serait ou ne serait pas artificialisé.
CE 4/10/2023, n° 465341 et 465343.
Marc GIRAUD le 09 novembre 2023 - n°465 de Urbanisme Pratique