La commune peut geler la constructibilité d’un terrain en zone U pour une durée de cinq ans Abonnés
Par une délibération du 26 octobre 2018, le conseil municipal de La Bernerie-en-Retz (Loire-Atlantique) a approuvé le PLU sur le fondement de l’article L. 151-41-5 du code de l’urbanisme. Saisie d’un recours contre cette disposition, la cour administrative applique la même disposition (art. R. 123-12, code de l’urbanisme) en vigueur avant 2015, car la procédure de révision du PLU avait été engagée avant le 1er janvier 2016. La commune avait prévu une zone UB qui comprend « des secteurs UB concernés par une servitude gelant la construction dans l’attente d’un projet d’aménagement global, définis au titre de l’article L. 151-41 5° du code de l’urbanisme ». Le PLU prévoit qu’ « en secteur visé par la servitude définie au titre de l’article L. 151-41, 5° du code de l’urbanisme, sont interdites toutes constructions et installations, toutes occupations et utilisations du sol à l’exception de celles précisées au 2.9 à l’article suivant ». L’article UB 2.9 de ce même règlement, qui est applicable dans le même secteur, dispose que « sont admises la réfection des constructions existantes et leur extension sous réserve que le cumul d’extension(s) réalisées à compter de la date d’approbation du PLU (26/10/2018) n’excède pas 10 % de l’emprise au sol du bâtiment existant à cette date ». La cour administrative relève que cette servitude était justifiée dans le cadre de la réflexion devant permettre d’aboutir à l’aménagement d’un ou de plusieurs espaces de stationnement mutualisés en entrée d’agglomération. Aussi, les auteurs du PLU ont délimité, sur un secteur situé le long de la rue Guy Cadou, à moins de 200 mètres au sud de l’échangeur principal de la « route bleue » - comprenant les parcelles du justiciable -, une servitude temporaire d’inconstructibilité sur le fondement du 5° de l’article L. 151-41 du code de l’urbanisme. Les juges constatent également que dans le rapport de présentation du PLU la commune indique que la réflexion sur l’opportunité d’aménager un ou plusieurs espaces de stationnement mutualisés en entrée d’agglomération répond à l’objectif énoncé par l’orientation n°3.3 du projet d’aménagement et de développement durables (PADD) intitulé « Améliorer les conditions de déplacement, en particulier les conditions d’accessibilité aux cœurs de vie du bourg et des plages ». Cet objectif prévoit, notamment, qu’une étude portant sur le plan de circulation routière et de stationnement sur l’agglomération doit être réalisée pour améliorer la fluidité de la circulation routière, faciliter le stationnement et désengorger le centre-bourg. La cour administrative estime que le périmètre de la servitude litigieuse n’apparaît pas manifestement excessif au regard de la nature et de l’objet de l’aménagement envisagé ainsi que des besoins en stationnement de la commune (CAA Nantes 9/02/2024, n° 22NT00508).
Comme l’indique expressément l’article L. 151-41-5 du code de l’urbanisme, le règlement du PLU ne peut pas, sur ce fondement, interdire les changements de destination. Ainsi, la cour administrative censure le règlement du PLU de la commune d’Orly (Val-de-Marne) en tant qu’il ne prévoit pas, dans la liste limitative des seuls travaux autorisés, les opérations de changements de destination (CAA Paris 19/10/2023, n° 23PA01552).
La commune doit justifier l’institution de cette servitude
L’interdiction de construire dans une zone urbaine emporte la création d’une servitude, c’est-à-dire une restriction au droit de propriété. La commune doit motiver les raisons d’une telle décision. Saisie de la délibération du conseil municipal d’Ostricourt (Nord), la cour administrative de Douai vérifie la réalité de la motivation. La révision a créé un périmètre d’attente de projet d’aménagement global (PAPAG) en lien avec l’orientation d’aménagement et de programmation (OAP) relative à la restructuration du centre-ville qui souligne l’encombrement, le manque d’ouverture et de lisibilité du centre-ville, la vétusté de certains îlots, l’insuffisance de sécurité pour les piétons ainsi que la nécessité de redonner une identité plus marquée à la commune, d’embellir et d’améliorer le cadre de vie. Des orientations particulières y sont envisagées, qui consistent, notamment, en la création d’une zone mêlant commerces, logements, équipements publics et espaces verts entre la place Albert Thomas et la rue Jean Jaurès. Elles promeuvent également la conservation de l’architecture identitaire des bâtiments, l’amélioration de la sécurisation, en plus de proposer de rendre plus fluides les axes de déplacement et le développement des places de stationnement. De surcroît, le rapport de présentation du PLU insiste, dans son tome II, sur l’objectif de créer une « véritable centralité urbaine » qui serait « marquée par une place qui constituera un espace de rencontre pour les habitants ». Une telle initiative aurait pour bienfait de « dynamiser le centre-ville en permettant l’implantation de commerces de proximité », de « renforcer les équipements publics existants » et de « prévoir un programme de logements à proximité immédiate des services et équipements ». Le rapport fournit une carte délimitant le périmètre d’attente, illustrée par des photographies des lieux. La carte précise que le PAPAG inclut des secteurs bâtis et non bâtis, et fait l’objet d’une convention avec un établissement public foncier. Ces documents précisent ainsi, de manière suffisamment circonstanciée, les justifications particulières qui ont conduit à l’instauration du PAPAG contesté au regard du projet de requalification du centre-ville d’Ostricourt. (CAA Douai 19/10/2023, n° 22DA01246).
Le conseil municipal doit justifier l’institution de cette servitude dans son rapport de présentation
L’article R. 151-2 du code de l’urbanisme dispose que : « Le rapport de présentation comporte les justifications de : / 5°L’institution […] des servitudes prévues par l’article L. 151-41-5e […] ». L’article R. 151-32 du même code dispose que : « Dans les zones U et AU, les documents graphiques du règlement font apparaître, s’il y a lieu, les secteurs délimités en application de l’article L. 151-41-5e en précisant à partir de quelle surface les constructions ou installations sont interdites et la date à laquelle la servitude sera levée ».
Saisie d’une délibération de l’établissement public territorial Grand-Orly Seine Bièvre qui révise le PLU de la commune d’Orly, la cour administrative de Paris vérifie, à la demande d’un requérant, que la collectivité a bien justifié l’institution de la servitude dans son rapport de présentation. C’est le cas en l’occurrence. Le rapport de présentation du PLU relève, dans sa partie 1, intitulée « diagnostic et état initial du site », que la zone SENIA fait l’objet de réflexions pour renforcer son attractivité au Nord et pour faire évoluer ses fonctions vers un secteur plus mixte au Sud. En effet, la partie située entre la route Charles Tillon et la rue du Puits Dixme doit muter vers une zone plus urbaine accueillant des logements, des équipements publics, des espaces verts ainsi que des commerces et des services de proximité. De plus, le rapport de présentation indique dans sa partie 3 (« Justification des choix retenus ») que le renouvellement du site de SENIA permettra de créer un quartier mixte et précise que le périmètre de gel concerne le secteur des Quinze Arpents. Aussi le rapport de présentation comporte-t-il la justification particulière exigée par les dispositions précitées (CAA Paris 19/10/2023, n° 23PA01552).
Par une délibération du 18 décembre 2018, le conseil municipal de Saint-Rémy-de-Provence (Bouches-du-Rhône) a approuvé son PLU. Or, le conseil municipal a justifié l’institution de la servitude en se référant à l’article L. 151-41 5° du code de l’urbanisme. Le rapport de présentation du PLU mentionne que le secteur dit G... Major fait l’objet d’une servitude d’attente de projet au titre de l’article L. 151-41 5° du code de l’urbanisme, compte tenu du potentiel foncier important disponible (19,07 hectares). Ainsi, le secteur recèle un enjeu de développement important pour la commune qui, à la date d’approbation du plan, ne dispose pas des éléments de connaissance nécessaires pour définir un projet à la fois cohérent et pertinent pour ce quartier. En effet, la servitude est instituée pour une durée au plus de 5 ans dans l’attente de l’approbation par la commune d’un projet d’aménagement global. Saisie par un propriétaire qui contestait l’institution de la servitude sur sa parcelle (l’empêchant ainsi d’y construire), la cour administrative constate que la commune a parfaitement justifié son institution. En revanche, les exigences posées à l’article R. 15132 ont été méconnues puisque les documents graphiques du PLU litigieux ne comportent ni l’indication de la date à laquelle la servitude de constructibilité limitée affectant le secteur G... Major sera levée, ni à partir de quelle surface les constructions ou installations nouvelles sont interdites (CAA Marseille 1er/02/2024, n° 22MA02387).
La servitude doit apparaître dans les documents graphiques, mais pas seulement
Saisie de la délibération du 21 janvier 2020 par laquelle le conseil de la communauté de communes du Créonnais a approuvé le PLU intercommunal, la cour administrative le censure : les documents graphiques font effectivement apparaître, à La Sauve, un « secteur de projet en attente d’un projet d’aménagement global ». Toutefois, l’institution de ce périmètre d’attente de projet d’aménagement global n’est justifiée par aucun document de ce plan, et ni la surface maximale des constructions, ni la durée de la servitude ne sont précisées (CAA Bordeaux 23/03/2023, n° 22BX00209).
Michel Degoffe le 28 mars 2024 - n°474 de Urbanisme Pratique
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