Pour qu’un bien entre dans le domaine public, il doit tout d’abord, être la propriété d’une personne publique. Il doit ensuite avoir été affecté à l’usage du public ou à un service public et avoir fait l’objet d’un aménagement spécial. Mais dans un arrêt Préfet de la Meuse de 1995, le Conseil d’Etat avait jugé que cet aménagement pouvait se limiter à de simples actes juridiques. Ainsi, un immeuble affecté initialement à un collège était-il demeuré dans le domaine public alors que les collégiens ne le fréquentaient plus. Le préfet l’avait déclassé (le préfet était compétent car une loi du 7 janvier 1983 avait mis les collèges à la disposition des départements mais l’Etat en était resté propriétaire). Fort de ce déclassement, le département l’avait vendu. Le préfet avait attaqué cette décision. Le Conseil d’Etat lui avait donné raison : si l’immeuble n’était plus affecté au service public de l’Education nationale, le conseil général avait indiqué au préfet qu’il souhaitait y loger l’hôtel du département. Le département avait déjà pris quelques actes juridiques en ce sens : commande d’une étude à un architecte, lancement d’un appel d’offres. Selon le Conseil d’Etat, ces actes purement juridiques marquaient la volonté du département d’affecter l’immeuble à un service public. Virtuellement l’immeuble appartenait donc toujours au domaine public même si la première pierre n’avait pas encore été posée. Cette jurisprudence de la domanialité publique virtuelle a été très critiquée car elle alourdit la gestion des biens. Aussi, l’ordonnance du 21 avril 2006 portant code général de la propriété des personnes publiques souhaitait y mettre un terme. Désormais, le code n’exige plus un aménagement spécial mais indispensable : le bien aura dû faire l’objet de véritables travaux et non pas seulement d’actes juridiques marquant une intention d’affecter. Il était donc intéressant de savoir la position du Conseil d’Etat après l’adoption du code. Un arrêt fournit une première réponse. Le préfet de l’Hérault avait demandé au juge des référés administratifs d’ordonner l’évacuation de terrains qu’une association occupait. L’association soutenait que le juge administratif était incompétent pour statuer sur la demande dès lors que le terrain n’appartenait pas au domaine public. Le Conseil d’Etat rejette cet argument : l'Etat a autorisé l’association, par convention, à occuper ces parcelles. L’Etat les avaient acquises, par expropriation, pour réaliser des travaux de raccordement de deux autoroutes. Ainsi, selon le Conseil d’Etat, la personne publique ayant prévu de manière certaine de réaliser ces travaux de raccordement, ces parcelles étaient soumises aux principes de la domanialité publique. Le Conseil d’Etat se fonde donc sur la domanialité publique virtuelle : des actes juridiques marquaient la volonté d’affecter le bien au domaine public. Peu importe que les travaux n’aient jamais été entrepris. Dès lors que le terrain n’a pas fait l’objet d’une décision de déclassement, il appartient toujours au domaine public. Le juge administratif était donc bien compétent pour connaître le litige (CE 8/04/2013, n° 363738).
Marc GIRAUD le 30 janvier 2014 - n°250 de Urbanisme Pratique
Source : la documentation juridique en ligne de Urbanisme Pratique n°99 du 09 juillet 2014