Deux ans après le revirement de jurisprudence : quelles sont les conditions de délivrance d’un permis modificatif ? Abonnés
La maire de Biarritz (Pyrénées-Atlantiques) a délivré un permis de construire initial qui autorisait, outre les 52 places de stationnement, un bâtiment d’accueil et un bâtiment central abritant une piscine ainsi que 48 mobil-homes sur châssis et roues regroupés en 12 îlots. Il délivre par la suite un permis modificatif qui porte sur la construction de 52 logements répartis en sept bâtiments - dont quatre sur un niveau et trois en R+1 -, d’une piscine, d’une salle de sport, d’un hammam, d’une terrasse et d’un espace de loisirs ainsi que sur l’aménagement de 54 places de stationnement. En outre, la surface constructible s’étend puisqu’elle passe de 2 153 m2 à 2 715 m2. Les juges estiment qu’eu égard, d’une part, aux modifications apportées au projet, dont l’ajout de plusieurs bâtiments avec fondations et d’un aspect architectural totalement différent des mobil-homes initialement prévus et, d’autre part, à l’augmentation de 25 % de la surface créée, les modifications apparaissent comme apportant au projet un bouleversement tel qu’il en change la nature même (CAA Bordeaux 26/02/2024, n° 24BX00069).
Ajouter un parking ne constitue pas forcément un bouleversement du projet
Par un arrêté du 17 octobre 2017, le maire de Lingolsheim (Bas-Rhin) a délivré un permis de construire une extension de l’unité de production de son usine, des bureaux, des zones de stockage, un réaménagement des vestiaires et de la salle de pause. Par un arrêté du 20 juin 2019, le maire a délivré un permis de construire modificatif pour la création d’un parking de 180 véhicules légers et l’affectation de 18 places de stationnement libre. Selon la cour administrative, ce parking ne bouleverse pas la conception initiale du projet. Les constructions autorisées par le permis de construire attaqué portent de 16 610 à 22 257 m² la surface des locaux de l’entreprise et, dès lors, permettent l’augmentation des effectifs de l’entreprise, qui évoluent de 450 salariés en 2017 à plus de 600 au début de l’année 2019. Un tel projet a nécessairement pour effet d’accroître le besoin en aires de stationnement de la société. Toutefois, le projet d’extension du site de l’usine porte sur une parcelle enclavée sur laquelle sont déjà implantées de nombreuses constructions préexistantes, contraignant la société à déposer une demande de permis de construire modificatif afin d’implanter de telles aires sur un autre site. Aussi les modifications envisagées n’apportent-elles pas au projet initial un bouleversement ayant pour effet de changer la nature du permis initial. Le permis modificatif était ainsi possible (CAA Nancy 21/02/2024, n° 20NC00548).
S’il n’y a pas de modification du lieu d’implantation, il n’y a alors pas, a priori, de bouleversement
Le maire d’Andernos-les-Bains (Gironde) a délivré un permis de construire pour la réalisation d’un ensemble immobilier de 14 logements. Le maire délivre ultérieurement un permis de construire modificatif. Selon la cour, ce permis ne bouleverse pas le projet initial : il portait seulement sur la modification des débords de toitures et de balcons, réduits respectivement à 60 et 50 cm, sur une légère modification de la taille des menuiseries en façade sur rue, sans changement de leur nature, et sur une très légère modification des voies internes. Dès lors, il n’y a donc pas de modification de l’implantation du projet par rapport à la voie publique et les modifications apportées, en y incluant même la modification de la hauteur de la clôture, n’ont pas pour effet de bouleverser le projet au point d’en changer la nature. En effet, le projet porte toujours sur la construction d’un bâtiment de logements collectifs qui comporte 14 logements répartis sur trois niveaux et crée une surface de 855,50 m2 de surface de plancher après démolition totale des constructions existantes (CAA Bordeaux 25/05/2023, n° 22BX01401).
S’il est simplement apporté des modifications mineures au même projet, on peut considérer qu’il subit un bouleversement
A cet égard, dans une affaire à La Bernerie-en-Retz (Loire-Atlantique), la cour administrative constate que si les modifications autorisées par l’arrêté portant permis de construire modificatif sont nombreuses et prévoient, notamment, la création de balcons, d’un sous-sol, le déplacements d’ouvertures et une légère modification de l’implantation d’un bâtiment collectif, elles n’apportent toutefois au projet initial que des changements mineurs ne remettant pas en cause sa nature même qui consiste dans la création de 3 immeubles collectifs (R+2+C) sur la partie nord du terrain d’assiette du projet et de 23 maisons individuelles d’un niveau R+1+C sur l’autre partie du terrain (CAA Nantes 26/01/2024, n° 22NT02001).
Par un arrêté du 31 juillet 2018, le maire de Penmarc’h (Finistère) a délivré un permis de construire pour la modification d’ouvertures, le remplacement de menuiseries et l’installation de deux terrasses sur pilotis dans une maison d’habitation. Par un arrêté du 19 octobre 2020, le maire a délivré un permis de construire modificatif prévoyant la modification des terrasses extérieures et des fenêtres de toit, la création d’un volet coulissant et la suppression d’un mur maçonné. Le projet, autorisé par le permis de construire modificatif n° 2, comporte des modifications, notamment sur la façade nord-ouest, relatives à l’implantation de la terrasse à créer et aux ouvertures. Ces modifications n’apportent toutefois pas au projet autorisé par le permis de construire initial un bouleversement tel qu’il en changerait la nature même. Aussi le maire pouvait-il délivrer un permis modificatif (CAA Nantes 16/01/2024, n° 21NT01638).
Par un arrêté du 2 novembre 2017, le maire de Cervione (Corse) a accordé un permis de construire pour l’extension d’une maison de village pour une surface de plancher de 154 m². Il délivre par la suite un permis modificatif pour la création d’un niveau supplémentaire par l’abaissement du niveau de jardin, la suppression du garage, la redistribution de l’espace de vie et la modification d’ouvertures. Sans plus d’explication, la cour administrative estime que le permis modificatif n’apporte pas de bouleversement au projet initial (CAA Marseille 20/02/2024, n° 22MA00686).
Même un changement de destination peut faire l’objet d’un permis modificatif
Le conseil exécutif de la collectivité territoriale de Saint-Barthélémy a délivré un permis de construire autorisant la construction d’un ensemble de villas à usage d’habitation qui comporte une maison de cinq chambres, deux maisons de deux chambres, six maisons de trois chambres avec une piscine et une jardinière pour chacune ainsi qu’un espace commun où est implanté un spa. Le permis de construire modificatif prévoit le changement de destination du projet en résidence de tourisme, la modification de la toiture du bâtiment principal de la maison de cinq chambres dénommée « Villa Master « - sans modification de la hauteur à l’égout et au faitage. De plus, la production d’un dossier établissement recevant du public (ERP) a conduit à la réalisation d’une aire de retournement pour la sécurité incendie et à des modifications architecturales afin, notamment, de permettre l’accessibilité du projet aux personnes à mobilité réduite. Selon la cour, en dépit du changement de destination et des modifications mentionnées, le programme des constructions demeure identique à celui du permis initial, avec le même nombre de villas et le maintien de l’espace commun pour un total de 2 023,56 m² de surface de plancher, contre 2 943 m2 de SHOB et 2 137 m2 de SHON dans le projet initial. Ainsi, contrairement à ce que soutient la société, ces modifications n’emportent pas un bouleversement du projet tel qu’il en changerait la nature et ce, alors même qu’elles porteraient sur des éléments comme l’implantation, les dimensions et la hauteur des constructions (CAA Bordeaux 2/11/2023, n° 21BX03280).
Même jurisprudence lorsque le juge autorise la régularisation d’un permis initialement illégal
Lorsque le juge saisi d’un recours contre un permis constate qu’il est affecté d’un vice régularisable, il peut alors donner à son titulaire un délai pour obtenir un permis de régularisation (art. L. 605-1, code de l’urbanisme).
Selon le Conseil d’Etat, un vice qui entacherait le bien-fondé de l’autorisation d’urbanisme est susceptible d’être régularisé même si cette régularisation implique de revoir l’économie générale du projet en cause à condition que les règles d’urbanisme en vigueur à la date à laquelle le juge statue permettent une mesure de régularisation qui n’implique pas d’apporter à ce projet un bouleversement tel qu’il en changerait la nature même. Ainsi, le maire de La Bernerie-en-Retz (Loire-Atlantique) a délivré un permis de construire 23 maisons individuelles et 3 bâtiments collectifs. Le juge constate que le permis méconnaît les dispositions de l’article R. 431-24 du code de l’urbanisme en ce que le dossier de demande de permis ne comprend pas le projet de création d’une association syndicale des acquéreurs. Mais il considère que ce vice est susceptible d’être régularisé par la délivrance d’un permis de construire modificatif sans que la mesure de régularisation n’ait pour conséquence d’apporter au projet un bouleversement tel qu’il en changerait la nature même (CAA Nantes 26/01/2024, n° 22NT02001).
Le maire de Plonéour-Lanvern (Finistère) a délivré un permis de construire pour l’édification de quatre poulaillers et d’un parcours de plein air sur les parcelles. Saisie par des voisins, la cour administrative constate que le permis méconnaît le règlement du PLU en vertu duquel « les eaux usées doivent être évacuées par le réseau d’assainissement collectif s’il existe et si la construction est techniquement raccordable. Les immeubles ou installations destinées à un autre usage que l’habitat doivent être dotés d’un dispositif de traitement des effluents autres que domestiques, adapté à l’importance et à la nature de l’activité et assurant une protection satisfaisante du milieu naturel au regard de la réglementation en vigueur ». Or, le projet n’est pas raccordé au réseau public des eaux usées et n’implique pas l’installation d’un dispositif de traitement de la totalité des effluents générées par l’élevage de volaille qui serait adapté à l’importance et à la nature de l’activité, en plus d’assurer une protection satisfaisante du milieu naturel. Pour autant, selon la cour, un tel vice est régularisable sans bouleverser l’économie du projet (CAA Nantes 15/01/2024, n° 21NT02502).
Michel Degoffe le 11 avril 2024 - n°475 de Urbanisme Pratique
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