Les obligations de la commune en matière de gestion des eaux pluviales Abonnés
Le service de gestion des eaux pluviales urbaines assure le contrôle du raccordement des immeubles au réseau public de collecte des eaux pluviales urbaines et du respect des prescriptions fixées en application du dernier alinéa de l’article L. 1331-1 du code de la santé publique et par le zonage défini aux 3° et 4° de l’article L. 2224-10 du présent code ainsi que par les règlements en vigueur. Les modalités d’exécution de ce contrôle sont précisées par délibération du conseil municipal (art. L. 2226-1, CGCT).
La commune doit déterminer si les eaux pluviales relèvent d’un réseau unitaire avec les eaux usées ou d'un réseau séparatif
« La commune ou l’établissement public compétent chargé du service public de gestion des eaux pluviales urbaines, mentionné à l’article L. 2226-1 :
1° Définit les éléments constitutifs du système de gestion des eaux pluviales urbaines en distinguant les parties formant un réseau unitaire avec le système de collecte des eaux usées et les parties constituées en réseau séparatif. Ces éléments comprennent les installations et ouvrages, y compris les espaces de rétention des eaux, destinés à la collecte, au transport, au stockage et au traitement des eaux pluviales ;
2° Assure la création, l’exploitation, l’entretien, le renouvellement et l’extension de ces installations et ouvrages ainsi que le contrôle des dispositifs évitant ou limitant le déversement des eaux pluviales dans ces ouvrages publics.
Lorsqu’un élément du système est également affecté à un autre usage, le gestionnaire du service public de gestion des eaux pluviales urbaines recueille l’accord du propriétaire de cet ouvrage avant toute intervention » (art. R. 2226-1, CGCT).
Il revient donc à la commune de déterminer si les eaux pluviales peuvent, dans le cadre d’un réseau unitaire, être déversées dans le système de collecte des eaux usées, ou si elles doivent, dans le cadre d’un réseau séparatif, être déversées dans un réseau particulier. À cette fin, « la commune peut fixer des prescriptions techniques pour la réalisation des raccordements des immeubles au réseau public de collecte des eaux usées et des eaux pluviales » (art. L. 1331-6, code de la santé publique). La conformité des installations privées à ces dispositions est contrôlée, en pratique, par les agents du service des eaux pluviales urbaines, qui « ont accès aux propriétés privées pour procéder au contrôle prévu au deuxième alinéa de l’article L. 2226-1 » du CGCT (art. L. 1331-11, code de la santé publique). Si ce contrôle démontre qu’un propriétaire ne s’est pas conformé aux prescriptions techniques mentionnées à l’article L. 1331-1 précité, la commune peut, après mise en demeure, procéder d’office et aux frais de l’intéressé aux travaux indispensables (art. L. 1331-6, code de la santé publique). Tout ceci ne sera néanmoins pas possible dans les zones non urbanisées où la création d’un réseau de collecte des eaux de pluie n’est pas nécessaire et où la mission de maîtrise des eaux pluviales relève de l’article L. 211-7-I-4e du code de l’environnement, de telle manière qu’elle demeure partagée entre tous les échelons de collectivités territoriales.
La commune peut être responsable des inondations subies par des propriétés privées
Les propriétaires depuis 2001 d’une maison et de bâtiments industriels et à usage d’entrepôt ainsi que d’une ancienne cidrerie à Beuvillers (Calvados) subissent régulièrement des inondations lors d’épisodes de fortes pluies. Un tel état de fait entraîne la présence d’eau, de boue et de terre charriées sur leur propriété, qu’ils attribuent à l’insuffisance du réseau public d’évacuation des eaux pluviales. Ils attaquent donc la commune en lui reprochant l’insuffisance du réseau d’évacuation des eaux pluviales. Saisie, la cour administrative rappelle que la collectivité publique est responsable des dommages causés par le mauvais fonctionnement d’un ouvrage public et par le sous-dimensionnement du réseau d’évacuation des eaux pluviales. Notons que la cour ne retient pas les causes exonératoires avancées par la communauté d’agglomération à laquelle la compétence en matière de gestion des eaux pluviales a été transférée. La communauté d’agglomération tirait parti de la configuration naturelle des lieux et, en particulier, de la localisation de la propriété en fond de vallée. Or, selon la cour administrative, la communauté d’agglomération ne peut, pour diminuer l’indemnisation susceptible d’être mise à sa charge, se prévaloir de la configuration des lieux et de l’importance du bassin versant qui domine la propriété, ni faire valoir que les eaux de ruissellement proviennent de zones rurales non classées en zone urbaine ou à urbaniser au PLU. Par ailleurs, il n’est pas établi que le propriétaire aurait sciemment et en connaissance de cause acquis un ensemble immobilier situé en fond de vallée qu’il savait inondable à un prix particulièrement bas pour cette raison, pas plus qu’il aurait réalisé des travaux ayant aggravé le risque d’inondation (CAA Nantes 17/11/2023, n° 22NT02862).
Mais la commune n’a pas l’obligation de se doter d’un réseau permettant d’absorber la totalité des eaux pluviales
Le propriétaire d’une maison à Bédarieux (Hérault) subit des inondations régulières pouvant atteindre 40 centimètres parce que sa parcelle est en contrebas de la route départementale, elle-même surplombée d’un bassin versant urbanisé. Il introduit donc une action contre la commune et le département, en leur demandant réparation. Il réclame également de faire des travaux pour éviter que les inondations ne se reproduisent à l’avenir. La cour administrative rappelle que le maire, en tant qu’autorité de police administrative, doit prévenir les inondations (art. L. 2212-2, CCGT) et que la commune est compétente pour assurer le service de gestion des eaux pluviales. Néanmoins, ces dispositions n’imposent pas aux communes et aux établissements publics de coopération intercommunale compétents de réaliser des réseaux d’évacuation pour absorber l’ensemble des eaux pluviales qui ruissellent sur leur territoire (CAA Toulouse 19/09/2023, n° 21TL03488).
La commune est responsable en revanche des dommages causés par l’insuffisance de réseaux
Dans une autre affaire, la cour administrative a eu à connaître d’une action en responsabilité contre la communauté d’agglomération Durance-Lubéron-Verdon Agglomération. A cette occasion, les juges confirment que les dispositions des articles L. 2226-1 et R. 2226-1 du CGCT, qui instituent un service public administratif de gestion des eaux pluviales urbaines dans les zones identifiées par les documents d’urbanisme comme « urbanisées et à urbaniser », n’imposent pas aux communes et aux communautés de communes compétentes la réalisation de réseaux d’évacuation pour absorber l’ensemble des eaux pluviales ruisselant sur leur territoire. Toutefois, les conséquences dommageables des débordements des réseaux d’évacuation publics mal conçus, mal entretenus ou sous-dimensionnés engagent la responsabilité sans faute de la personne publique qui en a la garde. Or, une expertise a démontré que les inondations subies entre août 2006 et août 2015 par un propriétaire ont pour cause première l’insuffisance et l’inadaptation du réseau public existant, dont le dimensionnement insuffisant ne permet pas de canaliser l’excès d’eaux pluviales en provenance de l’avenue Frédéric Mistral qui se déverse dans sa propriété. La communauté d’agglomération invoque les dispositions de l’article 640 du code civil qui institue, au détriment des fonds inférieurs, une servitude d’écoulement des eaux. Cependant, ce texte législatif n’est applicable que lorsque les eaux découlent naturellement des fonds supérieurs « sans que la main de l’homme y ait contribué ». Dans ces conditions, les écoulements d’eaux pluviales en provenance de la voie publique sur la propriété constituent un dommage grave et spécial dont le propriétaire est fondé à demander la réparation (CAA Marseille 15/05/2023, n° 21MA03208).
L’intercommunalité est responsable des dommages, même s’ils sont antérieurs au transfert de compétence
Propriétaire d’une maison à Pourrières (Var) depuis 2011, l’intéressé subit régulièrement des inondations. Il attaque la commune et lui demande réparation du préjudice qu’il subit. Saisi en dernier lieu, le Conseil d’Etat constate que depuis 2015 la communauté d’agglomération exerce de plein droit, en lieu et place des communes membres, la gestion des eaux pluviales urbaines au sens de l’article L. 2226-1 du code général des collectivités territoriales. Selon le Conseil d’Etat, sauf dispositions législatives contraires, le transfert de compétences d’une commune à un EPCI implique la substitution de plein droit de cet établissement à la commune dans l’ensemble de ses droits et obligations attachés à cette compétence, y compris lorsque ces obligations trouvent leur origine dans un événement antérieur au transfert. La commune de Pourrières est membre de la communauté d’agglomération de la Provence Verte. Aussi est-ce à son encontre que le propriétaire doit se retourner et ce, même si l’inondation est survenue avant 2015, c’est-à-dire avant la date du transfert de compétence (CE 28/11/2023, n° 471214, mentionné dans les tables du recueil Lebon).
L’intercommunalité peut imposer des obligations aux propriétaires
La compétence revient, en effet, aux intercommunalités puisqu’à compter du 1er janvier 2026 toutes seront obligatoirement compétentes en matière d’assainissement.
Or, la collectivité compétente en matière d’assainissement peut délimiter :
« 3° Les zones où des mesures doivent être prises pour limiter l’imperméabilisation des sols et pour assurer la maîtrise du débit et de l’écoulement des eaux pluviales et de ruissellement ;
4° Les zones où il est nécessaire de prévoir des installations pour assurer la collecte, le stockage éventuel et, en tant que de besoin, le traitement des eaux pluviales et de ruissellement lorsque la pollution qu’elles apportent au milieu aquatique risque de nuire gravement à l’efficacité des dispositifs d’assainissement » (art. L. 2224-10, CGCT).
Michel Degoffe le 25 avril 2024 - n°476 de Urbanisme Pratique
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